Un recueil d'essais, de livrets, de paroles, de souvenirs, de photographies, d'anecdotes personnelles par des musiciens, des artistes visuels, des chercheurs et des archivistes rendant hommage à l'œuvre et à la vie du compositeur, musicien, interprète et militant afro-américain Julius Eastman.
Publié suite à l'exposition éponyme à SAVVY Contemporary, Berlin, en 2018.
Julius Eastman (né en 1940 à New York) est un compositeur, pianiste, chanteur, acteur et danseur américain associé au courant minimaliste. Il est l'un des premiers à avoir associé des éléments de musique pop à la musique minimaliste, dans des pièces qui reflètent ses engagements radicaux contre le racisme et l'homophobie, entre musique contemporaine répétitive et disco naissante.
L'un des rares Afro-Américains à être reconnus sur la scène musicale d'avant-garde de New York des années 1970 et 80, à la fois proche et distant de l'
École de New York de
John Cage (Cage ne lui ayant pas pardonné une interprétation de ses « Song Books »),
Christian Wolff et
Morton Feldman,
Julius Eastman est resté un personnage solitaire et énigmatique. Politiquement engagé et provocateur (en témoignent les titres de ses œuvres comme
Evil Nigger ou
Gay Guerrilla), figure de la culture queer, Julius Eastman est un poète solaire et solitaire dont la mélancolie a marqué son œuvre autant que son destin tragique.
Jusqu'en 1981, Julius Eastman se retrouve au cœur de la vie artistique foisonnante de l'Université de Buffalo puis de Manhattan, qui le voit notamment jouer avec Meredith Monk et Arthur Russell ou voyager vers l'Europe pour une tournée en solo (voix / piano). Il fait alors partie d'une génération de musiciens qui décloisonnent peu à peu les styles de musiques tout en digérant en direct tout ce qui se créé alors, de Earth Wind and Fire à
La Monte Young.
Pendant l'hiver 1981-82 il se fait expulser de son appartement par la police, qui au passage détruit la plupart de ce qu'il possède, dont partitions et enregistrements. Il ne fait pas grand chose pour retrouver ces documents, voyant dans cet événement un signe supplémentaire pour se rapprocher d'une sorte d'ascétisme à laquelle il tend chaque jour un peu plus, le faisant abandonner progressivement la vie musicale new-yorkaise. Il se retrouve à la rue, vivant notamment dans le parc de Tompkins Square, dans l'East Village. Il meurt neuf ans plus tard, en 1990 à l'âge de 49 ans, seul, à l'hôpital de Buffalo, sans que personne ne s'en aperçoive pendant presque une année.
Artiste « oublié » (aucune de ses œuvres enregistrées n'était sortie de son vivant et bon nombre de ses partitions ont été perdues), il n'a été redécouvert que depuis les années 2000, notamment grâce au travail de recherche qu'a initié la compositrice
Mary Jane Leach.