Le premier livre en français consacré au compositeur et musicien Julius Eastman : un ensemble d'essais biographiques et musicaux, édité par
Mary Jane Leach et Renee Levine Packer, dressant un portrait fascinant d'une figure emblématique de l'histoire des avant-gardes américaines.
Le parcours de Julius Eastman, compositeur, pianiste et chanteur, commence à Ithaca, en Pennsylvanie. Bravant sans le sou l'adversité, mais avec quelques compositions sous le bras, il rejoint dans les années 1970 la scène musicale expérimentale downtown new-yorkaise, collaborant ainsi avec John Cage, Arthur Russell, Meredith Monk ou Peter Maxwell Davies. Eastman tombera dans l'oubli à sa mort en 1990 après sept années de « martyre volontaire », entre prises de psychotropes et errances en quête de foyers pour sans-abri.
Africain-Américain, Eastman a utilisé tout au long de sa vie son art comme bouclier face aux tensions raciales divisant alors les États-Unis, usant des titres de ses compositions (Evil Nigger ; Crazy Nigger) pour ébranler les mœurs. En partie inspirés par Patti Smith et son hymne Rock N Roll Nigger, ces titres controversés visaient à honorer les Africains pour leur importance dans l'histoire de la construction de l'économie américaine ; ils constituent l'une des singularités de son œuvre.
Gay Guerrilla : l'histoire de Julius Eastman est le premier livre en français consacré à l'artiste. Du New Yorker au New York Times, les éloges posthumes du compositeur ne cessent aujourd'hui de pleuvoir, le reconnaissant comme figure emblématique de l'histoire des avant-gardes américaines.
« Intransigeant dans son art et dans sa vie, le compositeur d'avant-garde noir américain et gay, tombé dans l'oubli pendant des décennies, fait l'objet d'un ouvrage d'envergure [...]. Gageons que Gay Guerrilla permettra de mieux faire connaître sa fabuleuse carrière aux confins du jazz, de la musique contemporaine, même de la pop et du disco. »
Olivier Lamm, Libération
« C'est le travail de Mary Jane Leach, compositrice et autrice, qui a contribué à faire connaître l'immensité du travail d'Eastman et fournir le récit de sa vie : les Éditions 1989, tout juste constituées, viennent de publier en traduction française le livre de Mary Jane Leach et Renée Levine Packer intitulé Gay Guerrilla et consacré à la fois à la biographie d'Eastman et à des textes à propos de son travail permettant de mettre en perspective sa présence artistique dans le New York des années 1970 et 1980, puis au-delà, après son décès. Le livre est préfacé par le musicien Devonté Hynes, qui s'est fait le champion de l'œuvre d'Eastman. »
Joseph Ghosn, Les Inrockuptibles
« En mai 1990, s'éteignait le compositeur Julius Eastman, dans l'oubli de tous et la marginalité la plus complète. Il fut pourtant l'auteur d'une œuvre musicale riche et engagée, nourrie de son identité de noir américain homosexuel. Pianiste et chanteur de talent, il avait côtoyé l'avant garde minimaliste new-yorkaise des années 1970, collaborant avec John Cage ou Arthur Russell. Sa redécouverte, tardive, est aujourd'hui ponctuée d'une première parution française à son égard, Gay Guerrilla : l'histoire de Julius Eastman, des nouvelles Éditions 1989. »
Le Monde (Le Goût de M)
Mary Jane Leach est une compositrice et interprète américaine très active dans la récupération et la reconnaissance de la musique de Julius Eastman.
Renee Levine Packer est une productrice, curatrice et auteur de
This Life of Sounds: Evenings for New Music in Buffalo (OUP, 2010) qui a remporté un prix ASCAP pour l'excellence.
Julius Eastman (né en 1940 à New York) est un compositeur, pianiste, chanteur, acteur et danseur américain associé au courant minimaliste. Il est l'un des premiers à avoir associé des éléments de musique pop à la musique minimaliste, dans des pièces qui reflètent ses engagements radicaux contre le racisme et l'homophobie, entre musique contemporaine répétitive et disco naissante.
L'un des rares Afro-Américains à être reconnus sur la scène musicale d'avant-garde de New York des années 1970 et 80, à la fois proche et distant de l'
École de New York de
John Cage (Cage ne lui ayant pas pardonné une interprétation de ses « Song Books »),
Christian Wolff et
Morton Feldman,
Julius Eastman est resté un personnage solitaire et énigmatique. Politiquement engagé et provocateur (en témoignent les titres de ses œuvres comme
Evil Nigger ou
Gay Guerrilla), figure de la culture queer, Julius Eastman est un poète solaire et solitaire dont la mélancolie a marqué son œuvre autant que son destin tragique.
Jusqu'en 1981, Julius Eastman se retrouve au cœur de la vie artistique foisonnante de l'Université de Buffalo puis de Manhattan, qui le voit notamment jouer avec Meredith Monk et Arthur Russell ou voyager vers l'Europe pour une tournée en solo (voix / piano). Il fait alors partie d'une génération de musiciens qui décloisonnent peu à peu les styles de musiques tout en digérant en direct tout ce qui se créé alors, de Earth Wind and Fire à
La Monte Young.
Pendant l'hiver 1981-82 il se fait expulser de son appartement par la police, qui au passage détruit la plupart de ce qu'il possède, dont partitions et enregistrements. Il ne fait pas grand chose pour retrouver ces documents, voyant dans cet événement un signe supplémentaire pour se rapprocher d'une sorte d'ascétisme à laquelle il tend chaque jour un peu plus, le faisant abandonner progressivement la vie musicale new-yorkaise. Il se retrouve à la rue, vivant notamment dans le parc de Tompkins Square, dans l'East Village. Il meurt neuf ans plus tard, en 1990 à l'âge de 49 ans, seul, à l'hôpital de Buffalo, sans que personne ne s'en aperçoive pendant presque une année.
Artiste « oublié » (aucune de ses œuvres enregistrées n'était sortie de son vivant et bon nombre de ses partitions ont été perdues), il n'a été redécouvert que depuis les années 2000, notamment grâce au travail de recherche qu'a initié la compositrice
Mary Jane Leach.