Catalogue / livre d'artiste présentant 137 œuvres anonymes, du 16e au 21e siècles, issues des collections du MUCEM – Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée de Marseille.
Face aux phénomènes de popularité, l'anonymat est une stratégie complexe qu'Alexandre Périgot explore depuis deux ans. L'idée d'une collection d'anonymes est née lorsque l'artiste découvre que les musées ont une part significative d'inconnus dans leurs collections, des œuvres majeures que les conservateurs hésitent souvent à exposer. Il apparaît alors nécessaire à Alexandre Périgot de constituer une encyclopédie, un atlas, un musée des anonymes. Ce fonds devient une scène où chercheurs, musiciens et danseurs sont amenés à interpréter des œuvres sans connaître leurs auteurs. Dans le catalogue Mon nom est personne, la fascination pour la célébrité est d'emblée paradoxale : attirance et répulsion y cohabitent comme dans toute expérience de notoriété.
La pratique de la signature est ambivalente ; elle n'apparaît vraiment qu'au XVIIIe siècle et ne s'applique que très récemment aux meubles et aux objets d'artisanat. Mon nom est personne révèle une fascination pour la célébrité qui est d'emblée paradoxale : attirance et répulsion y cohabitent au même titre que dérobade et responsabilité. L'exposition et le catalogue questionnent le statut de ces œuvres-énigmes mais surtout, nous impose un travail réflexif et subjectif puisque nous sommes nus devant les œuvres : aucune notice à laquelle nous raccrocher. L'autorité nous est rendue par défaut.
Les œuvres réunies au Cneai sous la dénomination « anonyme » peuvent avoir plusieurs justifications et la complexité des raisons qui conduisent à l'anonymat autorise à se raconter non pas une histoire, mais plusieurs. L'exposition forme en filigrane un récit sur la sacralisation de l'art, la justification des disciplines et les exercices de légitimation de sa valeur.
Le titre de l'exposition et de cet ouvrage prend sa source dans trois fictions historiques : le western mythique My Name is Nobody de Tonino Valerii, la célèbre ruse d'Ulysse dans L'Odyssée d'Homère lors de son combat avec le cyclope et le film Dead Man de Jim Jarmusch. « Mon nom est personne » répondent ces héros quand on les interroge sur leur nom. Cela n'est pas sans lien avec l'épitaphe de Marcel Mariën : « Il n'y a aucun mérite à être quoi que ce soit ».
Publié à l'occasion de l'exposition éponyme au Cneai, Pantin, du 17 février au 22 avril 2018.
Le travail de Alexandre Périgot (né en 1959 à Paris, vit et travaille à Bastia et Paris) révèle et déjoue depuis vingt ans les mécanismes de starification et de spectacularisation. Ses installations souvent
performatives empruntent aux mondes du
cinéma, de l'
architecture, du spectacle vivant, du
sport, des jeux vidéo ou des
médias, pour mettre en scène la dimension improbable du « direct ».
Il participe aux biennales de Venise en 2003, d'Istanbul en 2008, de Belleville en 2010 et de Lodz en 2013. Les maisons témoins
La Maison d'Elvis (2005- ),
La Maison de Dalida (2000- ) et
La Maison du Fada (2005- ) et ses autres grands projets tels que
Radiopopey (2002- ),
Fanclubbing (1999- ),
Blondasses (2002- ) et
Dumbodélire (2013- ) font l'objet d'expositions personnelles dans de nombreux musées et centres d'art notamment au Centre Pompidou (Paris), au
MAMCO (Genève), au Musée d'art Contemporain de Marseille, au Tramway de Glasgow, au
Cneai (Pantin), à l'Arsenal (Bialystok), au Minneapolis Institut of Art et à La Criée (Rennes).