Les écrits d'un artiste-clé de la scène new-yorkaise des années 1970.
Les écrits d'artistes ne constituent pas une catégorie en soi. Leur typologie reste à décrire. Ils supposent toujours une double lecture. Même quand ils ressortissent au genre lui-même flou de la critique d'art, il est en effet impossible de les dissocier de l'activité artistique de leur scripteur. Ils participent autant à la conception de son oeuvre qu'à la construction du champ dans lequel ils interviennent. Ils sont amphibies. Les écrits d'artistes sont critiques par nature : ils traitent solidairement des conditions de possibilité de l'oeuvre et du discours sur l'art. De même sont-ils artistiques par principe: ils déplacent simultanément les lignes de l'activité et de la littérature artistiques.
Ainsi ce premier volume des écrits de Mel Bochner constitue-t-il un double évènement. Il révèle dans toute son ampleur une dimension décisive d'un artiste-clé de la scène new-yorkaise des années soixante dix en même temps qu'il rassemble un dossier critique -théorique et plastique- d'une alacrité et d'une lucidité exemplaires, désormais indispensable à toute étude de cette période si déterminante de l'histoire de l'art.
Mel Bochner (né en 1940 ) est l'une des figures marquantes de l'art conceptuel à New York dans les années 1960 et 1970. Il se fit connaître à une époque où la peinture était de plus en plus critiquée et passée de mode ; avec toute une nouvelle génération d'artistes – Eva Hesse, Donald Judd, et Robert Smithson – ils cherchaient à rompre avec l'expressionnisme abstrait. Bochner introduisit de façon nouvelle l'usage du langage dans le visuel, ce qui fit dire à l'historien d'art Benjamin Buchloh que son exposition Working Drawings de 1966 « fut probablement la première exposition conceptuelle ».