The Drawer n° 21, consacré aux
wall drawings, réunit les dessins et les contributions écrites d'une vingtaine d'artistes et de créateurs.
« On appelle
mains négatives, les mains trouvées sur les parois des cavernes magdaléniennes de l'Europe sud-atlantique. Ces mains étaient simplement posées sur la pierre après avoir été enduites de couleur. En général elles étaient noires, ou bleues. Aucune explication n'a été trouvée à cette pratique. » Ainsi débute
Les Mains négatives, texte de
Marguerite Duras écrit en 1979, trente mille ans après que l'homme eut posé ses mains sur la paroi de granit. Ce geste inaugural a tout à voir avec l'objet du vingt et unième volume de
The Drawer, consacré aux
wall drawings.
Tracer des signes et des motifs, faire entendre sa voix sur la paroi. Inscrire à même le mur sa relation au monde, en donner une représentation. C'est ce qui unit les premiers hommes aux artistes contemporains, ce qui relie les œuvres présentées ici – celles de Linda Berger, Camille Chastang, Lauren Clay,
Peter Halley, Clémence Mauger, Peter Soriano, David Tremlett, etc.
Support premier, espace d'expression artistique et politique, moyen de faire exister une œuvre dans le temps ou façade éphémère, le mur est une surface élastique et puissante. L'artiste a le pouvoir d'en transformer la nature – grâce à lui, le mur ne cache plus, il ouvre sur quelque chose : un autre espace, une autre dimension. Le
wall drawing est un art de l'alchimie.
Il relève à la fois du plaisir et de la transgression – celui de dessiner plus grand que soi, de domestiquer son environnement, de l'embellir aussi. Intransportable et flirtant avec le décoratif ou l'embrassant carrément, il est un acte d'affirmation, de résistance et de désobéissance, face au marché et à l'idée du beau en art.
Le décor est au centre de ce numéro, la question de l'attractivité de l'œuvre posée. Les artistes rassemblés ici ne l'évitent pas, ils le revendiquent pour certains, en font profession pour d'autres - tels les décorateurs rassemblés au sein du portfolio consacré à la Cinémathèque française, qui dévoile une infime partie de sa collection de dessins et de décors dessinés, signés Jacques Saulnier, Hilton McConnico, Bernard Evein, etc. Au-delà du décor, d'autres encore ont fait et font du dessin un cadre de vie et de pensée : Jean Cocteau à la
Villa Santo Sospir hier, tout entière « tatouée » de fresques
a tempera, le muraliste néerlandais Gijs Frieling ou l'artiste Jimmy Beauquesne aujourd'hui, dont le papier peint dessiné à la main orne la couverture de ce numéro.
Réhabilité, plébiscité, l'ornement n'est plus un crime. Le
wall drawing a de beaux jours devant lui. Le motif, la répétition et la décoration aussi, parfaits moyens de réenchanter une réalité devenue morne, grise et digitalisée.
Avec Assume Vivid Astro Focus, Jimmy Beauquesne, Linda Berger, Antoine Carbonne, Camille Chastang, Lauren Clay, Armelle de Sainte Marie, Mathieu Dufois,
Elisa Filomena, Gijs Frieling, Juliette Green,
Peter Halley, Sunna Hansdóttir, Raphaël Larre, Clémence Mauger,
MC Mitout, Keita Mori,
Caroline Rennequin, Peter Soriano, David Tremlett, Alexandros Vasmoulakis, Sophie Whettnal.
Revue constituée de dessins et consacrée au
dessin,
The Drawer laisse
la parole et le champ – presque – libre aux seuls « dessinateurs », réunissant semestriellement les dessins et les contributions écrites
d'une trentaine d'artistes et de créateurs.
En anglais, « the drawer » signifie « le tiroir ». Il désigne aussi « celui qui dessine ». Assumant la polysémie de son titre, la revue
The Drawer pourrait donc s'envisager comme un « tiroir à dessins ». Ce qu'elle est d'une certaine façon : revue entièrement constituée de dessins et consacrée au dessin, que l'on peut ouvrir et refermer à loisir, propice enfin aux associations les plus inattendues,
The Drawer porte donc bien son nom.
Monomaniaque,
The Drawer n'en est pas moins ouverte d'esprit : tous les dessins, pourvu qu'ils soient bons, et tous les dessinateurs, l'intéressent. Célébrant la pratique du dessin dans sa dimension la plus large,
The Drawer mêle donc aussi bien des contributions d'artistes (plasticiens, illustrateurs, designers, architectes) que celles de créateurs moins attendus (chanteurs, écrivains, musiciens, chorégraphes, réalisateurs). Leur point commun : un même goût et une même pratique du dessin.
Semestrielle,
The Drawer est aussi thématique. Chaque numéro prend comme point de départ le titre d'une oeuvre littéraire, cinématographique ou musicale, choisi pour son potentiel créatif et/ou fantasmatique (volume 1 :
Les Temps modernes, volume 2 :
La Métamorphose, etc.). Chaque contributeur est invité à s'y soumettre et chaque dessin publié, qu'il soit déjà existant ou spécialement réalisé pour l'occasion, s'y rapporte.
Terrain de jeu, d'expression et de création autour d'une thématique commune,
The Drawer renseigne donc aussi
bien sur la richesse plastique et graphique du dessin aujourd'hui que sur les artistes et personnalités invités également à répondre à une série de questions. Pourquoi dessiner ? Que dessiner ? Dessins ratés ?...
Visuelle avant tout, davantage préoccupée de typographie que de texte,
The Drawer se lit moins qu'elle ne se regarde, se feuillette, se compulse. Tiroir à dessins, exposition portative, cabinet d'art graphique miniature,
The Drawer n'a d'autre ambition que celle du partage des miracles et des plaisirs du dessin.
Artisanale et 100 % faite main, elle est le fruit du travail d'une petite équipe passionnée de dessin : Sophie Toulouse, directrice artistique et Barbara Soyer, active dans le champ de l'édition et de l'art contemporain.
The Drawer est également une
plate-forme éditoriale pour la publication d'ouvrages monographiques.