Un retour sur l'art et la
littérature des six dernières décennies pour observer les interférences, les parallélismes, les décalages et les cloisonnements d'un domaine à l'autre.
Parce qu'à partir de la fin des années 1950
Fluxus, le post-
dadaïsme, l'
art minimal et l'
art conceptuel ont mis en crise le modernisme défendu par Clement Greenberg et conduit à la « dé-définition » de l'art diagnostiquée en 1972 par Harold Rosenberg, l'art « contemporain », indifférent au purisme du médium, à l'autonomie de l'oeuvre et à tout essentialisme esthétique, est aujourd'hui assez nettement distingué de l'art moderne.
L'opposition du contemporain et du moderne en littérature va beaucoup moins de soi. Dans le discours critique, les deux termes entretiennent des relations ambivalentes, à la fois problématiques et peu problématisées, signe que l'imaginaire de la littérature reste aujourd'hui largement moderniste, attaché à la spécificité du médium textuel comme à une définition essentialisée du littéraire héritée du Romantisme.
Une littérature « contemporaine » au sens que l'adjectif prend en art existe pourtant, aussi ancienne que l'art contemporain lui-même. C'est une littérature elle aussi « dé-définie », ayant renoncé à l'absolu du Livre et au primat de l'écriture, une littérature intermédiale, numérique, exposée ou performée,
in praesentia et potentiellement collective. Mais elle reste confidentielle dans le champ littéraire, là où l'art contemporain attire un public élargi.
Pourquoi cette disparité ? Un retour sur l'art et la littérature des six dernières décennies permet ici d'observer les interférences et les cloisonnements d'un domaine à l'autre, les parallélismes et les décalages de leurs temporalités respectives, aussi bien que les ambiguïtés du transfert récent des notions de minimalisme, delittéralité et de conceptualisme du vocabulaire de l'art à celui de la critique littéraire.
Pascal Mougin est professeur de littérature française contemporaine à l'université Paris Cité, membre du Centre d'études et de recherches interdisciplinaires en lettres, arts et cinéma (CERICLAC) et de l'UMR Thalim. Spécialiste de la
littérature française des XXe et XXIe siècles, ses travaux portent notamment sur les relations entre littérature et art dans le dernier demi-siècle ainsi que sur les humanités numériques.
Pascal Mougin est l'auteur d'études sur Claude Simon (dont
L'Effet d' image, L'Harmattan, 1997), a dirigé le
Dictionnaire mondial des littératures (avec Karen Haddad-Wotling, Larousse, 2002), le
Dictionnaire de la littérature française et francophone (Larousse, 2012) et, aux Presses du réel, les collectifs
La Tentation littéraire de l'art contemporain (2017),
Créativités artificielles – La littérature et l'art à l'heure de l'intelligence artificielle (2023) et
Littérature et design – Visualités et visualisations du texte en régime numérique (2024). Pascal Mougin est également artiste photographe.