Livre d'artiste s'inscrivant au sein d'un projet chorégraphique explorant la relation corps-objet associée au développement de l'imaginaire et du désir. Une série photographique juxtapose performeurs et objets, créant une somme d'associations contradictoires. Pour l'accompagner, deux textes de Paul B. Preciado : un essai sur la philosophie du geste, et un poème sur la subjectivité sexuelle, réalisé avec l'aide d'une intelligence artificielle.
L'exposition « An Ideal for Living », conçue par Alexandra Bachzetsis pour le Centre culturel suisse, fait partie d'une recherche sur les corps dans le temps, qui abouti aussi à une pièce chorégraphique, Escape Act. L'artiste y explore notamment la relation des corps et des objets, qu'elle considère dans une forme de réversibilité, et associe au processus de construction de l'imaginaire et du désir. Elle s'est inspirée de la culture voguing – et notamment du film documentaire Paris is burning (1991) –, un style de danse urbaine apparue dans les communautés transgenre et gay afro et latino américaines, et caractérisée par les poses-mannequin et autres mouvements codifiés.
Une installation de trois projections vidéo montre deux adolescents, un garçon et une fille à la ressemblance troublante, jouant de situations réelles et chantant. Des socles bas évoquant des petites structures scéniques, côtoient des équipements de salle de gym destinés à l'échauffement du corps. Des objets, d'abord conçus pour protéger d'un danger ou pour optimiser certains exercices physiques, s'avèrent aussi susceptibles d'être utilisés de manière violente ou dangereuse. L'ambivalence de ces objets ainsi révélée renvoie aux ambiguïtés, potentiellement subversives, du langage des corps.
Ce livre d'artiste, édité par le Centre culturel suisse et dont Julia Born réalise le graphisme, accompagne l'exposition. Les photographies de poses des danseurs-performeurs de Escape Act se juxtaposent avec celles d'objets ambivalents, et sont rythmées par des injonctions à effectuer des mouvements. Deux contributions de Paul B. Preciado accentuent encore le trouble : un texte propose une approche philosophique du geste, et un poème, issu d'un cerveau humain et de l'intelligence artificielle, est pensé comme une encyclopédie de la subjectivité sexuelle contemporaine (extrait de Love Is a Drone).
Publié à l'occasion de l'exposition éponyme au Centre culturel Suisse, Paris, du 7 septembre au 9 décembre 2018.
Alexandra Bachzetsis (née en 1974 à Zurich, vit et travaille à Bâle et Zurich) développe un travail aux confins de la danse, de la performance, des arts visuels et du théâtre. Elle met en jeu et en scène le corps, utilisé comme un appareil artistique et critique, un lieu de transformation et d'expérience, un moyen de communication. Elle est passionnée par la culture populaire, qu'elle considère au mieux comme évocatrice et séduisante, au pire comme manipulatrice. Elle y puise des gestes liés à des styles de danse et à des genres musicaux, pour exprimer une émotion.