Picabia était-il un imitateur obsessionnel de Nietzsche ? Quels rapports entretenait-il avec le romantisme allemand ? Peut-on comparer Picabia à Nietzsche et Suzanne Romain à Lou Von Salome ?
Picabia, qui pratique le « collage philosophique » depuis 1917, adresse à partir de 1944 des lettres d'amour à Suzanne Romain en détournant les poèmes et aphorismes de Nietzsche. Rassemblant une sélection de quarante-huit lettres inédites reproduites en fac-similé, mais aussi des dessins, des peintures, des photographies et divers documents, cet ouvrage met en lumière les rapports de l'artiste au philosophe au travers d'une recherche historique approfondie, partant d'une correspondance amoureuse pour développer un questionnement philosophique et esthétique sur l'art, en passant par Goethe, Schlegel, Hegel, Baudelaire.
Ardent défenseur de l'esprit
dada, Francis Picabia (1879-1953) fut l'inventeur de
la peinture de
Monstres et de
Transparences. Guidé par la nécessité de « penser
autrement que les autres » – quitte à endosser le costume de l'hérétique ou du
bouffon – il était toujours prêt à en découdre avec les arrivistes, les mercanti et
les apôtres de la pensée unique. Poète, auteur de textes sur l'art, insatiable épistolier,
il écrivait autant qu'il peignait.
Rédigées après guerre, par un « esprit
libre » qui rejetait les carcans de la morale petite-bourgeoise, les lettres d'Amour
à Suzanne Romain sont exceptionnelles. Tout en méditant sur les enjeux de la
création, Picabia détourna un grand nombre de poèmes et d'aphorismes de
Nietzsche qu'il ruminait d'une lettre à l'autre, en évoquant tour à tour sa solitude,
son isolement et sa méfiance envers l'Art et ses illusions.
Historienne et critique d'art, Carole Boulbès est l'auteur d'une thèse d'Arts et Sciences de l'Art sur
Les écrits esthétiques de Francis Picabia, entre révolution et réaction (1907-1953). Spécialiste des avant-gardes
dadaïstes et
surréalistes, elle est notamment l'auteur de
Picabia, le saint masqué (Jean-Michel Place, 1998) et a dirigé la réédition de ses écrits aux éditions Mémoire du Livre.
Elle a participé à la rétrospective
Picabia, singulier idéal qui s'est tenue au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, ainsi qu'à l'exposition
Cher peintre au Centre Georges Pompidou, en 2002.
Elle a dirigé le colloque international
Femmes, attitudes performatives, aux lisières de la performance et de la danse organisé avec l'Ecole nationale supérieure d'art de Nancy en 2012.
Ses textes sur l'art moderne et contemporain paraissent régulièrement dans
Art press depuis le début des années 1990 et ont été publiés dans de nombreux catalogues monographiques.