Un livre d'artiste sous forme de magazine dédié aux poteaux anti-stationnement urbains, objets du quotidien aussi étranges que familiers parmi la multitude des signes qui composent la ville et structurent l'espace public, avec de nombreuses contributions.
Il est apparu dans les années 90. Sa mission était d'empêcher les voitures de se garer sur les trottoirs. En trois décennies, il a colonisé toutes les villes d'Europe et au-delà, où il sécurise les cheminements des piétons et mène combat contre le vide. À Paris, on en a dénombré 354 642 en 2013. Trois fois plus nombreux que les arbres, quatre fois plus que les pigeons. Comment se fait-il alors qu'aujourd'hui encore, personne ne le remarque ? Dans nos espaces urbains saturés de signes, là où le banc, le lampadaire et le poteau de signalisation attirent la lumière, les passants et les chiens, il reste l'invisible du mobilier urbain. On ignore jusqu'à son nom. Un potelet ?
Outil de coercition bourré de bonnes intentions, absurdité écologique, sculpture publique impensée, avant-garde de la ségrégation urbaine, plus petit dénominateur commun des capitales européennes, concentré de phallocratie, kaléidoscope de matières, de formes et de couleurs, support d'inscriptions, le potelet brille de toutes ses facettes.
Ce magazine a été discuté et pensé ces trois dernières années avec Livia Velpry, sociologue et autrice.
Julien Berthier (né en 1975 à Besançon, vit et travaille à Aubervilliers) réalise des sculptures, des vidéos, des photographies et des dessins.
« Ne pas laisser le monde aux mains des spécialistes. » En construisant des objets – à la fois hyperréalistes et néanmoins fictionnels – qu'il confronte à l'espace public, Julien Berthier reste fidèle à cette déclaration. L'artiste poursuit une ambiguïté permanente dans les œuvres et les situations qu'il produit. Il nous offre à la fois des objets plausibles (qui pourraient tout à fait exister dans le monde dans lequel nous vivons) et leur critique. Loin de l'idée d'améliorer le monde, l'artiste utilise l'ironie, en tant qu'acte de feindre l'ignorance pour susciter un questionnement, afin d'introduire une réflexion plus générale sur notre société.
Les œuvres de Julien Berthier peuvent
« modifier la vie sociale, contribuer à son amélioration, en démasquer conventions, aspects inaperçus ou refoulés [ce qui] revient à parler pareil (comme tout citoyen que concerne la vie publique en milieu démocratique) et autrement (en usant de moyens, d'ordre artistique, à même de susciter une attention plus aiguë, plus singulière que celle que permet le langage de l'art un langage social). Il s'agit de faire du langage de l'art un langage à la fois intégré, donc capable d'être entendu, et dissonant, c'est-à-dire dont le propos vient mettre en débat l'opinion dominante. » (Paul Ardenne, in L'art contextuel, 2004).