Essai.
Singulière insurrection de la langue et de la dramaturgie, le théâtre de Valère Novarina s'est imposé en une vingtaine de pièces comme l'une des œuvres les plus novatrices – et les plus drôles – de la littérature contemporaine.
De la chute de l'homme, l'œuvre de Novarina offre un tableau captivant où s'entremêlent destructions de personnages, carambolages scéniques, énumérations vertigineuses et paroles de prophète. L'écrivain fonde sa comédie humaine sur une conception originale du drame : dépassant le simple constat de son état de crise, il l'ouvre, de L'Atelier volant à La Scène, à des référents nouveaux – le performing art ou l'esprit du cirque – pour lui assigner un modèle dynamique, visuellement opératoire, celui d'une « physique » qui travaille l'action théâtrale, les structures de la représentation, la création linguistique ou encore la fonction de l'acteur. Dramatisation obstinée qui s'impose à nous, lecteurs et spectateurs, comme un ressort nouveau de la comédie.
Ecrivain, peintre et dramaturge, Valère Novarina est né à Chêne-Bougeries (Suisse) en 1947.
Il étudie la littérature et la philosophie à la Sorbonne, veut devenir acteur mais y renonce rapidement. Il écrit depuis 1958 mais ne publie qu'à partir de 1978. En marge de ses travaux d'écriture, il développe peu à peu une activité graphique et picturale : dessins de personnages, puis peintures de décors lorsqu'il commence, à partir de 1986, à mettre en scène certains de ses ouvrages.
On distinguera, dans sa bibliographie, des œuvres directement théâtrales : L'Atelier volant, Vous qui habitez le temps, L'Opérette imaginaire - et le « théâtre utopique », romans sur-dialogués, monologues à plusieurs voix, poésies en actes : Le Drame de la vie, Le Discours aux animaux, La Chair de l'homme - et enfin, les œuvres « théoriques », qui explorent le corps de l'acteur où l'espace et la parole se croisent dans le foyer respiratoire : Pour Louis de Funès, Pendant la matière, Devant la parole. Insaisissable et agissant, le langage y apparaît comme une figure de la matière. Ses textes sont une extraordinaire littérature où se renouvelle l'interrogation sur le mystère de l'existence humaine. Au vide et au silence auxquels se heurte l'homme, il répond par la richesse inouïe d'une parole en expansion. Antique, médiéval, animal, contemporain, son langage semble arriver depuis la nuit des temps et vient défier les faux langages du monde d'aujourd'hui.
Il a mis en scène sept de ses textes, a réalisé deux émissions pour l'Atelier de création radiophonique de France Culture, et à partir des années 80, intensifié ses activités de dessinateur et de peintre. En outre, il a réalisé plusieurs performances où il mêle actions, dessin, peinture, texte, et parfois musique ou vidéo.
L'œuvre de Novarina est une œuvre de poète qui apporte à la scène et à l'écriture de nouvelles notions : les mots sont des objets concrets, de la matière scientifique : l'auteur est écrit comme l'acteur est agi ; tout est affaire de souffles et d'énergies...
Ses textes sont
publiés aux Éditions P.O.L et Gallimard.
Olivier Dubouclez, né en 1978, ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, est agrégé de
philosophie.