39 dessins accompagnés d'une transcription
et d'une traduction de leurs légendes.
Il y aurait, dit-on, toutes sortes d'artistes. Ceux qui fondent des codes et ceux qui s'en servent, ceux qui vendent du vent et ceux qui inventent. Ceux qui fulgurent et ceux qui braisent, ceux qui persistent et ceux qui signent. Ceux qui réussissent vite et ceux qui grimpent à l'ancienneté. Ceux qui font trois petits tours et puis s'en vont, pour de bonnes et mauvaises raisons, ou les deux à la fois. Ceux qui précoces et ceux qui tard venus – et tous les autres, par ailleurs...
Michel Würthle ressortit au petit nombre des artistes du démon de midi. Il s'en explique très bien : parvenu aux parages de la moitié de la vie, le dessin comme « besogne solitaire et douleureuse de la sublimation » lui procure une élégante échappatoire au risque de l'échec sexuel. Cette fable pudique sur le retrait de la sagesse relève autant de l'ironie que de l'humour noir qui sont les traits constants de ses affections. C'est une subtile manière de revenir en scène, sur l'autre scène générique du désir. L'expérience contraignante du dessin lui ouvre le théâtre permanent du fantasme.
On pourrait aussi ranger M. Würthle parmi les artistes de bandes ou de hordes : il appartient évidemment à celle de
Martin Kippenberger. Plus précisément, à la section berlinoise de ce dangereux gang. À ce titre, il prend la relève de toute une lignée de malfaiteurs de l'art moderne : ces chroniqueurs des coulisses glauques de la métropolis, tout de cruauté et de compassion, que furent par exemple Max Beckmann,
Otto Dix ou George Grosz. À leur instar, M. Würthle continue de tracer au scalpel le journal de nos nuits blanches.