Les numéros 42 à 45 de la revue critique consacrée au graphisme.
nº 42 — 12 ou 13 choses que je sais d'elle : F.R.DAVID
Auteur·rice·s : Victoire Le Bars et Benjamin Thorel
On connaît la chanson : les mots ne viennent pas facilement. Alors, comment aborder F.R.DAVID, revue dont c'est la devise ? Ce numéro de Faire propose une exploration non exhaustive, à quatre mains, des vingt F.R.DAVID parus entre 2007 et aujourd'hui. Regroupant à chaque parutionun ensemble d'écrits, d'images, de documents d'auteur·e·s et de périodes différentes, F.R.DAVID est au cœur de la pratique de Will Holder, son éditeur. Attentif aux moindres inflexions du langage, il y développe une approche singulière du livre, où la relation aux lecteur·rice·s est essentielle à l'acte même de publier.
nº 43 — Un caractère : L'« écriture typographiée »
Auteur :
Thierry Chancogne
En 1920, Francis Thibaudeau dédie son manuel de typographie moderne La Lettre d'imprimerie composé en multiples variantes de typographies remuantes d'Auriol – au moins l'éclairée ou « contour » Auriol-champlevé, la stencil Auriol labeur, l'étroite Française Légère, la grasse Robur Noire – au lettreur et typographe début de siècle en tant qu'« innovateur de l'écriture typographiée ». Et il faut remarquer que peut-être le plus répandu de ces alphabets, l'Auriol labeur, est une lettre qui défend aussi bien la dynamique picturale de ses composants visiblement brossés d'un geste auguste que la technicité plus ou moins industrielle des tenons de cette lettre stencil-pochoir. On peut en tous cas être à juste titre frappé par cet oxymore de la dite « écriture typographiée ». Comment l'écriture et sa dynamique contingente, située, personnelle, travaille-t-elle l'effort de généralisation industrielle et normative de la typographie ? Un type, un idéal abstrait, un contrat orthographique peut-il agir le mouvement historique et l'inscription sans cesse particulière et renouvelée des alphabets ? Que devient la cursivité lorsqu'elle est en quelque sorte « récupérée » par la forme relativement définitive, du moins pérenne, des fontes ?
nº 44 — Une énigme : la communication visuelle des neurosciences.
Auteur : James Langdon
Les neurosciences sont une science visuelle. Notre compréhension de la biologie du cerveau trouve son origine dans les premières images de neurones et de dendrites produites par Santiago Ramón y Cajal et Camillo Golgi à la fin du XIXe siècle. Au cours des dernières décennies, les neurosciences ont adopté l'imagerie numérique. Nous avons été témoins d'images dynamiques de cerveaux vivants produites par résonance magnétique et des représentations complexes de « connectomique neuronale » qui promettent à terme de révéler le « schéma de câblage » du cerveau humain. De telles images ne sont pas simplement la documentation d'un travail scientifique, elles sont elles-mêmes des sources primaires de recherche. Les images sont la science.
Pourtant, l'interaction des neurosciences avec la culture visuelle dominante tend vers la simplification et l'amateurisme. La communication scientifique semble considérer le design graphique et la direction artistique avec scepticisme, préférant contextualiser les images techniques avec un collage de dessins animés, de mèmes Internet et de photographies génériques de haute technologie. En revanche, l'industrie émergente de la neurotechnologie adopte le langage visuel de la « grande technologie » d'entreprise. Le projet Neuralink de l'entrepreneur milliardaire Elon Musk présente sa technologie expérimentale d'implant neuronal comme s'il s'agissait d'un appareil commercial innocent.
Inévitablement, les neurosciences offriront bientôt des opportunités d'augmenter technolo-giquement le cerveau humain, ce qui pourrait renforcer davantage les inégalités et la stratification dans notre société. Ce texte n'est pas un appel à une collaboration interdisciplinaire plus amicale entre le design graphique et les neurosciences, mais une évaluation critique du vocabulaire visuel d'un domaine du point de vue d'un autre.
nº 45 — Fabrique de la redondance (4 gabarits de mise en page)
Auteur :
Stuart Bertolotti-Bailey
Dans le design graphique, les gabarits sont dédiés au confort et au rendement. Leur double objectif est d'accélérer le travail en économisant la prise de décision, tout en garantissant une cohérence de la production par la restriction des paramètres de choix. Mais les gabarits peuvent aussi être utilisés dans des perspectives moins réductrices et plus entreprenantes. Cet essai retrace le développement de quatre projets réalisés avec des collaborateurs variés qui proposent, à partir d'un tel état d'esprit, autant de gabarits très spécifiques. Classés ici en tant que « mal de tête génératif », « point de rencontre », « terrain de jeu » et « gabarit industriel par défaut », ces quatre formats retracent le passage progressif des médias physiques aux médias numériques au cours de ces deux dernières décennies.
Faire – Regarder le graphisme est une revue critique bimensuelle consacrée au
design graphique, qui paraît en librairie au numéro ou sous la forme de recueils de plusieurs numéros. Editée par
Empire, la maison d'édition du studio
Syndicat, elle s'adresse aussi bien aux étudiants qu'aux chercheurs et aux professionnels, en documentant les pratiques contemporaines et internationales du graphisme ainsi que l'histoire et la grammaire des styles. Chaque numéro propose un sujet unique et tentaculaire, traité par un auteur reconnu.
« Les revues critiques dédiées à l'analyse du design graphique sont malheureusement trop peu nombreuses aujourd'hui, particulièrement en France mais aussi en Europe. Engagés dans une posture analytique et critique des formes et activités du graphisme, Sacha Léopold et François Havegeer souhaitent mener une revue imprimée sur ces pratiques, en agissant avec sept
auteurs (Lise Brosseau, Manon Bruet,
Thierry Chancogne, Céline Chazalviel,
Jérôme Dupeyrat, Catherine Guiral et Étienne Hervy). Ce choix restreint, lié à la volonté de proposer une expérience au sein d'un groupe ayant déjà mené des projets communs, permettra d'inclure des auteurs internationaux la deuxième année. »