Un album du duo de musique électronique dont les pièces sont composées pour être jouées sur les grands orgues mécaniques du Café des Orgues d'Herzeele (Flandres).
« Il y a quelque chose du réalisme fantastique dans cet opus. Comme à chaque fois que Puce Moment s'empare d'un instrument traditionnel, c'est à la manière d'un
puppet master qui rencontre un personnage à mains nues.
Ici, le duo crée un nouveau répertoire pour les 4 vieux orgues amis d'un cabaret de village qu'ils visitent depuis l'adolescence, pour une bouffée de pop étrange des fins de Dimanche.
Et on dirait que l'orgue limonaire parle ici sa langue à lui – ou à elle – pour la première fois. La musique mécanique a cet avantage de pouvoir exécuter des vitesses ou constantes non réalisables
par des humains. Et cette machine s'exprime par la transe, les musiques répétitives, avec une sorte de frénésie, comme prise dans une course et dans les tourbillons de toutes ces décennies de dancing de croisée des chemins.
Au Japon, l'aura d'un objet provient de sa matière mais aussi des auras de ceux qui l'ont fabriqué et qui en ont pris soin. Cette aura est comme une âme pour qui croit en ce que
Chris Marker nomme si bien l'« entre deux » : pas tout à fait un au-delà métaphysique mais plutôt un présent augmenté des traces de toutes nos histoires.
Donc la parole est à l'orgue rebaptisée O.R.G (comme dans CYBORG) et à son GHOST. Ceux qui dansent les dimanches à Herzeele depuis des décennies en avaient rêvé tant de fois : que l'automate désuète, presque survivante, s'hybride à une machine d'aujourd'hui. Que nos histoires et nos os ne fassent qu'un, dans un moment cyborg, pour un temps magique, comme celui de la fête et du time traveling.
Un évènement pour de vrai, au sens politique même, une «transe-humanisme» – en opposition au transhumanisme robocop - car rien n'est plus gai quand ces dimensions ici cousues entre elles comme les chairs de la vieille frankenstein tiennent bon ensemble.
Pour célébrer tous ces déplacements, la musique inspirée par org à Puce Moment est donc une transe qui transporte. C'est son côté invitation au voyage dans les plis errants de l'ultralocal. Les morceaux portent les noms si curieux des communes rurales et périphériques de cette partie française de la Flandre Occidentale, frontalière de la Belgique, jadis zone de trafics en tous genre et de transgression… Comme si O.R.G y zonait de nuit ou y commerçait de jour : le boeuf, la graine, la fume, le pylône, la pale d'éolienne.
Ou comme si O.R.G. se souvenait et agitait dans la danse de ses souvenirs tous ces voisinages, le défilé en spirale infinie des visages et des corps qui s'animent à son contact. »
Anna Czapski
« Comme à chaque fois lorsque nous travaillons avec un instrument issu d'une culture populaire ou traditionnelle, nous essayons de transposer sa musicalité à une approche plus contemporaine. Un instrument traditionnel transporte avec lui les fantômes d'un passé et d'une culture. En lui permettant d'interpréter autre chose que le répertoire traditionnel auxquelles il est normalement dévolu, l'instrument semble changer de statut. Notre intention est de lui redonner la parole pour lui faire produire quelque chose de plus
proche de son essence même, le personnifiant quelque peu. Aussi, un des axes d'exploration que nous menons avec les orgues en considération de leurs spécificités mécaniques, c'est de composer une partition musicale proche de la transe ou des musiques répétitives. Faire l'expérience d'une sorte de jusqu'au boutisme de la machine, une frénésie entrainante et machinique pour se rapprocher d'une écoute organique de cet orchestre mécanique, protagoniste et narrateur principal au centre de ce rendez-vous. »
Puce Moment
Formés aux Beaux-Arts et au Fresnoy studio national des arts contemporains pour l'un et via un parcours universitaire et musical pour l'autre, Nicolas Devos et Pénélope Michel fondent le groupe électro-rock expérimental
Cercueil en 2005, avec lequel ils tournent en France et à l'international. Parallèlement ils créent Puce Moment, projet envisagé comme un laboratoire ouvert à l'expérimentation, à la rencontre pluridisciplinaire et au décloisonnement. Le duo travaille autour de projets protéiformes qui ont pour fil conducteur le rapport du son à l'image et les conditions d'émergences de la narration et de sa perception. Sa pratique musicale est mutante, elle peut être écrite ou improvisée, vocale, instrumentale, électronique ou électroacoustique, en fonction du cadre des projets menés sous la forme de créations scéniques, de ciné-concerts, de créations sonores et visuelles, d'installations, ou au travers de collaborations. En faisant appel à la mémoire collective, Nicolas Devos et Pénélope Michel convoquent des figures mythiques et mythologiques passés et contemporaines. Leur approche plastique et sensorielle du son les amène à concevoir des dispositifs immersifs.
Voir aussi
Cercueil.