Le second numéro des Cahiers du centre national du graphisme traite des questions typographiques par des approches artistiques, culturelles, sociétales, ou techniques, avec un point focal sur le travail du typographe Jean-François Rey et son exposition « Typographie et bandes dessinées » au Signe, centre national du graphisme, par le commissaire de l'exposition Jean-Noël Lafargue. LSD 2 s'ouvre sur l'histoire de l'art et du graphisme avec le texte de Catherine Guiral, la question des fontes « libres » étudiés par Frank Adebiaye, mais publie aussi un essai sur la recherche dans la langue française des pratiques de la typographie dite inclusive, non-binaire, post-binaire ou encore genderfuck, de Caroline Dath ° Camille Circlude.
Ouvrir ce second numéro Le Signe Design sur la question typographique au prétexte de l'exposition dédiée au travail de Jean-François Rey était une évidence.
Il s'agissait de sensibiliser à la condition des dessinateurs de polices de caractères, de traiter de d'évolution d'une pratique, de discontinuité technologique. Exposition historique, dans la mesure où était signifié un historique de l'histoire de l'imprimé, des caractères mobiles, de la chaine de production, des acteurs qui la compose.
Nombres d'angles et de prétextes aux regards des productions des créateurs et créatrices ont pu être saisis, et c'est vers une forme que l'on peut entendre de modeste ou populaire, à savoir la bande dessinée que nous avons établi notre choix. En imaginant cette exposition, et l'invitation faite, nous avions en tête la pertinence du choix d'un dessinateur de caractères typographiques qui aura dédié prêt de deux décennies de son activité à suivre avec une régularité qui honore ses commanditaires, un nombre certain d'autrices et d'auteurs. Nous penserons à Robert Crumb, Charles Burns, Jacques Martin, Marion Montaigne, Dorothée de Monfreid…
Le lecteur de l'exposition aura vu que nous traitions dans un même élan du dessin, comme création de l'esprit, et des enjeux de la traduction, de la translation de formes visuelles divergentes d'une langue à l'autre. Car l'un des aspects remarquable des productions de Jean-François Rey est l'usage par-delà nos frontières, et de la langue, des caractères numérisés qu'il édite. Comment un objet aussi équilibré qui est la planche, la double page, dans son rapport du texte et de l'image résiste-t-il à la traduction d'une langue à l'autre ? Comment certaines onomatopées, pensées tels des éléments de construction d'une vignette, d'une page, doivent être adaptées par la langue et donc par sculpturalité de la lettre ? Comment, un sens de lecture qui peut être inversé, influe la composition et son sens de lecture ? Comment présenter des œuvres qui par définition sont des multiples ? Comment porter à la vue des objets que l'on retrouve dans l'espace de l'intime – mais qui peuvent s'échanger de main à main – dans un espace collectif, destinés à être appréhendé, sous contrainte de gestes barrières ? Comment traiter du vernaculaire et de la communauté élargie d'usage ?
Si nous n'avons pas résolu par l'exposition toutes les hypothèses qui l'auront traversé, ce présent numéro permet de s'attarder posément, et de façon élargie et connexe, sur un nombre certain de questionnement relatif à l'usage, la destination, l'expérimentation, la médiation, la médiatisation, la recherche et le développement, la construction historicisée – artificielle, naïve, ou mensongère – de jalons, l'irruption du politique.
Seconde édition (2024).
LSD est la revue semestrielle du Signe - Centre national du graphisme.