En quelque 600 lettres choisies, cette correspondance documente le parcours biographique, les activités militantes, la carrière professionnelle et l'œuvre d'historien d'art de Léon Rosenthal (1870-1932).
Ce recueil propose
d'abord de mettre en relief une personnalité emblématique des débuts de la
professionnalisation de l'histoire de l'art, au moment où la discipline universitaire se constitue
au sein des sciences humaines et sociales, distinctement de l'histoire et de l'archéologie, mais
aussi de la critique d'art. titulaire d'une des premières thèses d'histoire de l'art (
La Peinture
romantique, essai sur l'évolution de la peinture française de 1815 à 1830, soutenue en Sorbonne,
en 1900), Rosenthal appartient à cette première génération de spécialistes initialement formés
à l'histoire – il est normalien et agrégé –, avant de s'en émanciper pour emprunter des voies
jusqu'alors surtout fréquentées, outre les critiques et les écrivains d'art, par les archéologues
et les conservateurs de musée.
Ensuite, cette édition invite à mieux cerner les contours singuliers de la personnalité
multiple de Rosenthal, dont le parcours, l'œuvre et l'action ont peu retenu l'attention. Si les
historiens de l'art du XIXe siècle ont encore quelque curiosité pour son grand livre paru en
1914 (
Du romantisme au réalisme, essai sur l'évolution de la peinture en France de 1830 à 1848),
ils ont presque oublié l'ensemble de son œuvre protéiforme. ses monographies sur David,
Géricault, Carpaccio, Daumier ou
Manet n'étaient plus lues. Son manuel sur la gravure, qui
avait fait autorité chez les spécialistes et les amateurs, était donné pour caduque. Ses ouvrages
de vulgarisation destinés aux maîtres d'école, aux professeurs d'histoire du secondaire et à
leurs élèves, quoiqu'ils aient été souvent conçus d'après les programmes scolaires, étaient jugés
trop moralisateurs et suspectés d'un patriotisme louchant vers le nationalisme.
Ce volume éclaire donc l'élaboration d'une œuvre, dont il faut enfin mesurer la valeur au
filtre d'exigences issues d'une activité de militant socialiste SFIO, brièvement élu maire-adjoint
à Dijon, de conférencier dans les Universités populaires, qui sera « majoritaire de guerre »
pendant la Première Guerre mondiale et promoteur de la reconstruction des régions dévastées
par le conflit, avant de s'éloigner de la politique pour devenir, à partir de 1924, professeur
d'histoire de l'art moderne à la Faculté des Lettres de Lyon et directeur du Musée des beaux-arts
de la ville.
Docteur de l'Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne où il a été maître de conférences (2000-2009),
Bertrand Tillier est professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Bourgogne et directeur
du Centre Georges Chevrier (UMR CNRS 7366). Spécialiste des rapports entre les arts et la politique
aux XIXe et XXe siècles, il est l'auteur de nombreux ouvrages consacrés à une histoire culturelle et
sociale de l'art, des imaginaires et des sensibilités. Conseiller scientifique et commissaire d'exposition,
il codirige la revue Sociétés & Représentations (Publications de la Sorbonne).