La nécessité du plein – Formes contemporaines de l'isolant – Construire en chanvre

C'est le récit d'une expérience menée par un trio, architecte-photographe-ingénieur, réunis par leur qualité de chercheurs et une fascination partagée pour les matières naturelles. C'est l'expérimentation de la compatibilité d'un couple de matières, la chaux et le chanvre, un assemblage qui engage des questions de cohérence territoriale et d'identité. C'est enfin l'exploration d'une épaisseur qui ouvre à de nouveaux enjeux formels, culturels et de représentation. En décalant la recherche et la théorie vers des domaines d'investigations encore sauvages et immaculés, cet ouvrage cherche à engager la discipline architecturale dans une ère mieux consciente de l'ensemble des paradigmes liés à la thermique et à l'isolation et leurs liens avec la forme, la volumétrie, la matérialité, la façade et l'expression.
Ouvrage polyphonique, publication d'un genre hybride, entre beau livre d'architecture et essai scientifique, ce livre restitue la recherche « L'épaisseur de l'architecture, étude sur les formes contemporaines de l'isolation » menée par les architectes Barrault Pressacco en collaboration avec le photographe Giaime Meloni, tous deux chercheurs à l'Observatoire de la condition suburbaine (OCS) de l'EAV&T et Sandrine Marceau, docteure au laboratoire de Comportement Physico-chimique et Durabilité des Matériaux à l'université Gustave Eiffel. La nécessité du plein est le premier tome de From practice to research. To practice again, un projet éditorial en deux volets dont l'objectif est de développer les échanges entre la théorie de l'architecture, les savoirfaire constructifs et la pratique, le chantier et la recherche, la matière et la forme construite. Cet intérêt pour la matière en tant que ressource et la matérialité en tant que récit architectural Barrault Pressacco l'a engagé à travers deux expériences de recherche appliquée que l'agence souhaite aujourd'hui formaliser dans ce double projet d'édition. Le deuxième opus portera sur la pierre.
L'actualité de l'isolation est intense. Elle fait partie des principales préoccupations de la construction contemporaine, dans le neuf ou la rénovation, et concentre des raisonnements qui impactent tous les aspects d'un bâtiment : son apparence, sa spatialité, son économie, sa construction, son écologie, sa pérennité. L'isolation rivalise même d'un certain point de vue avec les sujets structurels : protéger du froid et du chaud est aussi important que de soutenir les charges. La rénovation thermique est l'un des plus gros enjeux de la transition énergétique et l'architecture se retrouve interrogée fondamentalement. C'est un sujet culturel. L'isolation se cantonne aujourd'hui à être laissée la plupart du temps aux mains seules des ingénieurs thermiciens. Isoler se réfléchit dans une dimension performative, afin de satisfaire des labels et des réglementations de plus en plus exigeants. L'enjeu est donc, pour les architectes, de se saisir de ces questionnements et d'ajouter à la technique une dimension culturelle, afin d'installer les premiers appuis lui permettant d'appartenir à l'histoire de la discipline. L'architecture du plein isolant éprouvée par le couple chaux-chanvre déplace la notion de rationalisme architectural structurel vers ce qu'on pourrait appeler le rationalisme thermique, comme une augmentation de la pensée du XIXe siècle. C'est un pari, celui du naturel. Les matériaux constructifs, et en particulier les isolants, ont depuis longtemps quitté leur identité tellurique et territoriale au profit d'une artificialité et d'un anonymat universel. Le lien entre architecture et environnement a été rompu. Issus de la terre, morceaux ou produits du sol, la chaux et le chanvre connaissent une immédiateté dans leur transformation. La frugalité des moyens engagés pour les transformer en éléments de construction ou fragments d'architecture force l'économie de moyens et de gestes, et par extension, la rationalité et la pérennité des projets. Enfin, c'est une question formelle : la forme suit l'isolant, « form follows insulation ». L'impact de l'isolation sur la forme architecturale est substantiel : isoler transforme un mur, engage la dimension d'une fenêtre, façonne les qualités d'un espace. Il est donc aujourd'hui nécessaire de s'emparer de l'isolation et des éléments isolants comme déterminants de la forme architecturale. L'isolant est un élément à part entière au sein d'un assemblage. Il est un support de dessin, de conceptions et, à terme, d'inventions.