Faisant le lien entre deux expositions au CA2M de Madrid et au CRAC
Alsace, ce catalogue propose une large documentation ainsi que des
collages représentant l'évolution des œuvres de l'artiste. Avec des essais
des curateurs Elfi Turpin et
Daniel
Steegmann Mangrané.
Travailler et alors ne pas travailler – Autoeclipse est publié à
l'occasion de deux expositions personnelles de l'artiste Armando Andrade
Tudela au CA2M Centro de Arte Dos de Mayo, en Espagne, et au CRAC Alsace.
Espace intermédiaire entre ces deux expositions, le catalogue présente une
vaste documentation accompagnée de collages de l'évolution des œuvres de
l'artiste ainsi que de nouveaux essais des commissaires des expositions,
Elfi Turpin et Daniel Steegmann Mangrané.
« Faire une exposition avec Armando Andrade Tudela, c'est comme se
livrer à une opération de trépanation. C'est faire un trou dans la tête et
mettre les doigts dedans. C'est ouvrir le travail pour en faire sortir la
pression. C'est découper une porte pour ouvrir le système d'un artiste et
lui faire emprunter des chemins aventureux. C'est délicat, archaïque,
ironique. Se livrer à la trépanation, c'est aussi une façon d'échapper à
une forme de bureaucratie de l'exposition qui fixerait des œuvres qu'on
voudrait au contraire maintenir dans un état critique, avant qu'elles ne
basculent dans leurs catégories de sculpture, de peinture, de
photographie, de film, d'outil, de meuble, qui mettraient dos à dos,
pratique d'atelier et pratique conceptuelle, Nord et Sud, main et tête. La
trépanation est une ruse. Il y en a d'autres.
Faire une exposition avec Armando Andrade Tudela, c'est travailler et puis
ne pas travailler. C'est faire l'expérience de la transition –
de ce moment où “le soleil refuse de se coucher, où, non, la
terre refuse de tourner afin que le soleil puisse se coucher, oui”. C'est
concevoir un espace-temps où les œuvres, pour échapper à la fixité de leur
mode d'existence, sont maintenues dans une forme d'ambiguïté, dans un
processus de transformation ou d'adaptation à des désirs paradoxaux. Qu'il
adresse la modernité péruvienne, l'empathie européenne, la pression des
choses sur le corps ou les traumas de l'académisme, le travail ne cesse
alors de se dérober à une lecture univoque, en se soumettant aux regards
obliques venant de part et d'autre de l'Océan. »
—Elfi Turpin, mai 2018
Publié suite aux expositions « Travailler et alors ne pas
travailler / Working And Then Not Working », CRAC Alsace, Altkirch,
du 14 juin au 16 septembre 2018, et « Autoeclipse /
Self-eclipse », CA2M – Centro de Arte Dos de Mayo, Madrid, du 24
février au 15 septembre 2019.
Avoir vécu à Lima (où il est né en 1975)
puis s'être formé à Londres et aux Pays-Bas, avant de
séjourner en France et maintenant à Berlin, a conduit Armando
Andrade Tudela à s'intéresser aux projections et traductions
d'imaginaires et de pensées qui existent d'une culture à une
autre. Son travail a pour principal objet la circulation des formes dans des
contextes hétérogènes. Au moyen de sculptures, dessins,
photographies ou films, il regarde précisément comment les
idées esthétiques sont traduites et assimilées à
un niveau local, par exemple comment le choc moderniste s'est propagé
et a été interprété sur le continent
sud-américain. Il confronte ainsi un vocabulaire formel
apparenté au minimalisme et des formes ou des images
empruntées au quotidien, à l'histoire de l'art ou à la
culture populaire. Dans ses recherches plus récentes, il
expérimente le lieu d'exposition comme un « espace pliable » dans
lequel les combinaisons des différents éléments
laissent les significations à l'état de potentiel. Proche en
cela de nombreux artistes de sa génération, il essaye de
créer un environnement qui ne possède pas un seul centre de
gravité mais en déploie de multiples, sans fin.