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La peinture photographe

Claude Rutault - La peinture photographe
Rutault explore les relations entre peinture et photographie.
« Photographe, non, et je n'ai aucune intention de le devenir. Je me contente de faire adopter à la peinture une posture photographe, et d'organiser la présentation du résultat. En partant des définitions/méthodes.
Confonté comme tout artiste à la reproduction photographique de mes œuvres, j'ai écrit la définition/méthode 113 "photographie" en 1980 :
La photographie est la photographie des toiles, elle ne peut être exposée qu'une fois les toiles décrochées et uniquement sur le lieu de l'actualisation, à la place de la peinture. La photographie est prise de telle façon qu'en même temps on identifie clairement le lieu.
La d/m 113 dit ce que dit toute photographie : ça a eu lieu. Elle ajoute : ici même. La peinture et la photographie ne se rencontrent pas. Elles ne coexistent qu'au moment du clin d'œil de l'appareil. Elles s'ignorent.
Quand la lune est là le soleil n'y est pas.
A l'inverse de la d/m 113 "photographie", l'ensemble des propositions de "la peinture photographe" de joue pas le ou/ou mais l'affrontement. Peinture et photographie se retrouvent face à face. »
La peinture photographe, p. 8-9
Claude Rutault (1941-2022) est un peintre conceptuel français dont l'ensemble de l'œuvre vise à une déconstruction générale des modes d'existence du tableau.
Claude Rutault ne réalise pas ses toiles lui-même, il ne les fait pas fabriquer dans son atelier, il ne supervise pas ses accrochages, il rédige par contre un ensemble de consignes, d'instructions et de recommandations appelées « définitions/méthodes ». Celles-ci sont méticuleusement suivies par un collectionneur, un musée ou une galerie qu'il appelle les « preneurs en charge » et qui s'attellent à les « actualiser ».
L'origine de sa réflexion naît en 1973, lors de la mise en peinture des murs de sa cuisine, pendant son aménagement dans sa nouvelle maison. Il repeint dans la foulée une des toiles qui s'y trouve pour la raccrocher ensuite. Depuis, il réfléchit et approfondit la portée de son acte. Sa première « dé-finitions/méthodes » (1973) porte le numéro 1 : toile à l'unité « une toile tendue sur châssis peinte de la même couleur que le mur sur lequel elle est accrochée. Sont utilisables tous les formats standards disponibles dans le commerce, qu'ils soient rectangulaires, carrés, ronds ou ovales. L'accrochage est traditionnel. »
Ses toiles ont une durée de vie limitée. En effet, si le « preneur en charge » vient à décider de la déplacer ou de repeindre le mur sur lequel elle est accrochée, il sera obligé d'en faire de même pour la toile et lui donnera par conséquence une nouvelle identité, il la « réactualise ». Les consignes des « définitions/méthodes » sont claires, courtes et simples. Leurs exécutions dépendent uniquement du « preneur en charge ». Leurs interprétations, le suivi des consignes, les formes, les couleurs, l'emplacement, le contexte, participent à l'absence de maîtrise que Rutault a sur elles. Ces paramètres sont imprévisibles, liés uniquement au « preneur en charge » et ne peuvent pas être anticipés. Si ses toiles évoluent de manière imprévue, le « preneur en charge » devra en avertir Rutault. Au fil de temps, il a dû accepter que ses toiles aient leurs propres chemins et leurs propres existences. Elles évoluent sans balises, sans contrôle de sa part. Ses « définitions/méthodes » ont décrit la naissance de centaines de toiles dont il n'est plus responsable au fil du temps qui passe.
Edité par Art & Public.
Traduit par Simon Pleasance.
 
paru en 2001
édition bilingue (français / anglais)
14,5 x 20,5 cm
81 pages (ill. coul.)
 
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