les presses du réel

PinturaMies van der Rohe

Claude Rutault - Pintura
Vaucresson 27 02 2003

Cher Dominique,

après de longues heures passées dans le pavillon et l'étude des notes de Mies quelques constats :
L'architecture a d'autres chats à fouetter que la peinture, de son côté la peinture, au moment d'exister, ne doit pas compter sur les ressources de l'architecture.
Le pavillon de Mies van der Rohe est une architecture dans laquelle la peinture est très présente, presque envahissante : marbre vert, travertin, traitement diversifié des vitrages, avec en point d'orgue, l'oeuvre centrale, le murd'onyx de 3,10 X 5,95 m et d'une épaisseur de 17 centimètres.
Pour Mies comme pour moi le tableau n'a pas sa place dans le pavillon. J'étais arrivé à la même conclusion au moment de la réalisation des "peintures sous verre" à l'hôtel Berlier, qui auraient d'ailleurs pu être réutilisées.
Pour éviter toute tentation d'encombrement par des tableaux ou des objets décoraifs, l'architecture n'a plus qu'une solution : devenir une oeuvre.

Telle est l'exacte position que je prétends tenir ici en tant qu'artiste, en tant que peintre.
La rencontre entre architecture et peinture est du même ordre que celle de deuxastéroïdes dont les trajectoires sont si proches à cet instant qu eleur frôlement produit une gerbe d'étoiles filantes...
D'un pavillon d'exposition (l'exposition universelle de 1929) nous sommes passés à l'exposition du pavillon. La nature picturale des murs dont aucun n'est porteur, s'en trouve renforcée d'autant.
Mies conjugue la technologie de son époque et la recherche d'une beauté intemporelle à partir de la pierre brute devenur peinture par simple polissage. tout réside dans le croisement de "l'art de bâtir" et du hasard des veines du marbre ou de l'onyx, des reflets qui provoquent mouvements et incertitudes entre intérieur et extérieur. Mies réussit - perçoit-il à quel point ? - un tour de force que de nombreux artistes pourraient lui envier.
Sans cette qualité picturale des "murs" le pavillon aurait été un prototype, certes majeur, de bâtiment standard et fonctionnel qui, détruit après l'exposition, n'eut sans doute pas été reconstruit.
Si le pavillon partage avec l'hôtel Berlier la possibilité d'être lu comme oeuvre, le premier accapare la peinture, le second convoque la sculpture.
Il faut qu'on en reparle.

Bien amicalement. Claude.
Claude Rutault (1941-2022) est un peintre conceptuel français dont l'ensemble de l'œuvre vise à une déconstruction générale des modes d'existence du tableau.
Claude Rutault ne réalise pas ses toiles lui-même, il ne les fait pas fabriquer dans son atelier, il ne supervise pas ses accrochages, il rédige par contre un ensemble de consignes, d'instructions et de recommandations appelées « définitions/méthodes ». Celles-ci sont méticuleusement suivies par un collectionneur, un musée ou une galerie qu'il appelle les « preneurs en charge » et qui s'attellent à les « actualiser ».
L'origine de sa réflexion naît en 1973, lors de la mise en peinture des murs de sa cuisine, pendant son aménagement dans sa nouvelle maison. Il repeint dans la foulée une des toiles qui s'y trouve pour la raccrocher ensuite. Depuis, il réfléchit et approfondit la portée de son acte. Sa première « dé-finitions/méthodes » (1973) porte le numéro 1 : toile à l'unité « une toile tendue sur châssis peinte de la même couleur que le mur sur lequel elle est accrochée. Sont utilisables tous les formats standards disponibles dans le commerce, qu'ils soient rectangulaires, carrés, ronds ou ovales. L'accrochage est traditionnel. »
Ses toiles ont une durée de vie limitée. En effet, si le « preneur en charge » vient à décider de la déplacer ou de repeindre le mur sur lequel elle est accrochée, il sera obligé d'en faire de même pour la toile et lui donnera par conséquence une nouvelle identité, il la « réactualise ». Les consignes des « définitions/méthodes » sont claires, courtes et simples. Leurs exécutions dépendent uniquement du « preneur en charge ». Leurs interprétations, le suivi des consignes, les formes, les couleurs, l'emplacement, le contexte, participent à l'absence de maîtrise que Rutault a sur elles. Ces paramètres sont imprévisibles, liés uniquement au « preneur en charge » et ne peuvent pas être anticipés. Si ses toiles évoluent de manière imprévue, le « preneur en charge » devra en avertir Rutault. Au fil de temps, il a dû accepter que ses toiles aient leurs propres chemins et leurs propres existences. Elles évoluent sans balises, sans contrôle de sa part. Ses « définitions/méthodes » ont décrit la naissance de centaines de toiles dont il n'est plus responsable au fil du temps qui passe.
Fondation Mies van der Rohe, Barcelone
Institut français, Barcelone
Centre d'art contemporain Le Consortium, Dijon
 
paru en 2003
édition bilingue (français / espagnol)
 
10.00 5.00
(offre spéciale)
 
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