Il veut surtout que je lui dise ce que je pense de son travail. Il me pousse contre le mur, il me parle, il m'envahit. Il sait que j'ai beaucoup écrit sur l'art et que je fais encore actuellement une revue soignée. Encore cinq minutes et je devrai céder.
Mariette qui a vu le manège s'approche pour me sauver.
– Ah ! Jean-Yves, c'était gé-nial…
– Justement je disais à notre Auteur favori qu'il faut absolument qu'il vienne à ma…
– En ce moment, il n'écoute pas. Il n'a rien dû comprendre de ce que tu lui as raconté.
– Mais pourquoi…
– Il est tout occupé à écrire un truc gé-nial, tu sais ! C'est sur Cindy Sherman. Ça s'appelle United C. Sherman Company.
Le regard soudain absent, Jean-Yves m'abandonne pour une autre proie.
Jean-François Bory (né en 1938 à Paris, où il vit et travaille) écrit depuis l'âge de 4 ou 5 ans, comme beaucoup de monde. Il vit une enfance mouvementée en Asie, et fonde, à l'âge de 12 ans, avec des camarades de classe du lycée Hué au Vietnam, une revue littéraire, recopiée à la main en plusieurs exemplaires, intitulée
L'Encrier. Entre 1958 et 1961, il participe à la guerre d'Algérie dans le massif de l'Ouarsenis. En 1962, il reprend des études puis travaille à l'A.F.P.
À New York, en 1968, Bory publie l'une des toutes premières anthologies de
poésie visuelle internationale. Après avoir pris son temps et s'y être préparé, il se débarrasse de toute activité salariée en 1972, à 34 ans, et n'y revient jamais. Au début des années 70, alors que le
dadaïste Raoul Hausmann avait quasiment sombré dans l'oubli, Bory publie
Raoul Hausmann et Dada à Berlin (L'Herne, 1972) et organise la même année, une exposition de cet artiste au Studio Brescia (Italie). Il perd un œil en 1977. Bory a publié dans de nombreuses revues, en a fondé certaines (
L'Humidité,
591) et codirigé d'autres (
Celebrity Cafe,
Approches). Il participe à des lectures, des expositions et des performances à travers le monde.