La revue
Celebrity Cafe n° 4, après le
n° 3 consacré au dernier recueil d'
Augusto de Campos Outro, est exemplaire de l'époque où nous vivons, notamment avec le Covid 19. Intervention/autoportrait de l'artiste Chantalpetit confinée, captures d'écran d'un zoom (EGON-A) avec des artistes de la performance confinés, mais aussi les réseaux sociaux : captures d'écran de pages facebook avec
Alberto Sorbelli, réflexions sur le langage twitter avec
Philippe Boisnard dans une émission
Tracks sur Arte, avec là aussi des captures d'écran.
Si la « NRF » a pu, dans les années 1930, être une revue de référence sur l'époque, ou « Tel Quel » dans les années 1960 avec le structuralisme,
Celebrity Cafe l'est pour les années 2020, elle marque son époque. Par exemple « Me too » à travers le corps vu et revendiqué par des femmes artistes avec Sarah Cassenti et Hélène Defilippi dans ce « V » comme Vagin, dans la lignée de la
futuriste Valentine de Saint-Point, évoquée elle aussi dans la revue, ou ce masque d'
ORLAN, distribué en 2017 à l'entrée du night club Salò, trois ans avant que le masque ne devienne un objet symbolique de notre époque.
Problème donc du langage au XXIème siècle, abordé historiquement à travers un entretien inédit (donc exceptionnel) avec
William Burroughs, Ralf Rumney et
Brion Gysin de 1962, où il est question de fold-in et de mécanisation de la langue et de la pratique littéraire, avec, en prime, un inédit de « Novia Express » (« Nova Express » en 1964). Mécanisation de la langue que l'on retrouve avec Liliane Lijn et ses « Machine Poems », poèmes cônes et poèmes tambours en rotation. Mécanisation et virtualisation de la langue aussi avec un dossier sur le numérique dont un entretien inédit avec Jasia Reichardt, l'organisatrice de la mythique exposition « Cybernetic Serendipity » avec les premiers exemples de
computer poetry, ou les pratiques d'un
Jacques Donguy ou d'un Philippe Boisnard à l'ordinateur, très belles photos de lecture performance de Bernard Bousquet du
Générateur à l'appui.
Revue évidemment internationale avec un très beau poème, à portée universelle, du brésilien Augusto de Campos, « Coraçao/Cabeça », « CœurTête », où comment la tête mange le cœur, ou cet entretien inédit avec
Haroldo de Campos sur la page de « Galáxias » mise en musique par Caetano Veloso, ou encore ce dossier sur Paulo Bruscky (Recife), auteur de poèmes dans la rue ou sur la mer, ou
Costis (Grèce) avec la foudre écriture. La revue s'intéresse aussi au cinéma, avec le découpage de « Silencio », « silent movie » de
F.-J. Ossang, poète et rocker, et un dossier sur un film inédit d'Étienne O'Leary, le représentant, avec Pierre Clémenti, du cinéma psychédélique en France.
Musique aussi : entretien inédit avec
Éliane Radigue, la pionnière en France de la musique minimale avec l'utilisation de la première génération de synthétiseurs à New York.
D'autres noms pourraient être cités,
Jean-François Bory pour un nouveau texte sur l'écriture, les lettres et le désir frustré d'écriture,
Eduardo Kac pour son poème « Télescope Intérieur » en apesanteur dans l'ISS, avec là aussi des photos superbes, Abraham Palatnik, pionnier du
cinétisme.
La revue a aussi un aspect politique avec l'intervention d'Augusto de Campos lors de la remise de l'Ordre du Mérite Culturel au Planalto par Dilma Rousseff, présidente du Brésil, intervention au micro contre le coup d'état « civil » au Brésil qui allait provoquer la destitution de la présidente (captures d'écran du film de l'événement), et aussi un texte de Raoul Vaneigem, le
situationniste, sur l'autobiographie d'
Angéline Neveu, la seule femme des 11 Enragés de Nanterre.
Il faudrait aussi insister sur la très belle maquette de Sarah Cassenti, la maquettiste de la revue depuis le numéro 1. Mais le propos constant de la revue est la question du langage au XXIème siècle, depuis la sortie du tout typographie dominant au XIXème siècle, technologie porteuse d'une sacralisation du texte imprimé, donc du texte figé, de la pensée figée, idéologique, donc, au final, réductrice au mot d'ordre totalitaire. De ce basculement, toute une génération d'écrivains devient le témoin.
« À travers les 11 sections (Avant-gardes, numérique, poésie spatiale, performances, théâtre, arts plastiques, cinéma et vidéo, musique, hommage, anniversaire, éphémérides), du langage, des machines et des corps se croisent, se superposent, s'interpénètrent. C'est contradictoire. C'est stimulant. »
François Huglo, Sitaudis.fr
« L'ensemble constitue une véritable somme, à la fois par la variété des productions présentées, mais aussi par le patient travail de recherche et de traduction des auteurs, au service de l'actualité et de l'histoire de pratiques poétiques appuyées sur les technologies de leur temps. »
Marianne Simon-Oikawa,
Artpress
Avec
Jacques Donguy,
William Burroughs,
Brion Gysin,
Ralf Rumney,
Raoul Hausmann,
Amélie Castellanet,
Augusto de Campos,
Haroldo de Campos,
Paulo Bruscky,
Neide Sà,
Liliane Lijn,
Wlademir Dias-Pino,
Jean-François Bory,
Abraham Palatnik,
Jasia Reichardt,
Miroljub Todorovic,
Philippe Boisnard,
Eduardo Kac,
Robert Filliou,
Les Idiotes,
Sarah Cassenti,
Egon.A,
Pascal Le Gallois,
Anna Ten,
Thomas Laroppe,
Alberto Sorbelli,
Maud Brethenoux,
ORLAN,
Xavier-Numa Borloz,
Chantalpetit,
Parya Vatankhah,
Mandana Moghaddam,
Gigliola Fazzini,
Costis,
Étienne O'leary,
Jean-Pierre Bouyxou,
Michel Asso,
F.-J. Ossang,
David Coignard,
Éliane Radigue,
Angéline Neveu,
Raoul Vaneigem,
Tanabé Shin,
Francsco Conz,
François Massut.