Deux études sur le lien entre la langue, l'art et le réel dans le travail de Duchamp.
A l'opposé de ce qui se dit encore après Breton, le ready-made n'est pas un « objet manufacturé promu à la dignité d'objet d'art par le choix de l'artiste ». Le ready-made n'est même pas, et en dépit des apparences, un objet. Le ready-made nous dit Duchamp, est un « rendez-vous ». Il est le moment critique par lequel l'art (= « Ministère des coïncidences ») se révèle (problème d'optique c'est-à-dire processus de re-co(n)naissance) n'être, à un moment donné, que le réel qu'il est.
L'art (le réel) n'a pas d'identité parce qu'il est fait d'une multiplicité d'identités. A la fois un et multiple, toujours idiotement le même et toujours autre, il est cette mécanique à deux temps (Mar/cel), dont le basculement perpétuel entre l'un et le multiple, le même et son contraire, génère une rencontre (= une identité, un nom : Duchamp) problématiquement évidente, parce que forcément éphémère.
Cette mécanique identitaire est celle de la langue, même. C'est la raison pour laquelle Duchamp a transposé dans le domaine des arts plastiques les dispositifs mis au point par les grands « opérateurs » de la langue que sont Poe, Mallarmé,
Roussel mais aussi Maupassant.
Le chantier
poétique de Jacques Sivan (1955-2016) est certainement l'un des plus passionnant qu'il nous est donné d'explorer. Inventeur d'une écriture motléculaire (une écriture désaffublée des conventions et des codes contre lesquels l'auteur nous invite à résister), Jacques Sivan réinvente une langue qui reflète la complexité plurielle du monde tout en témoignant de son rapport au monde, de son expérience de vivre. Ici la poésie est pensée en action.
Avec
Vannina Maestri et
Jean-Michel Espitallier, il a créé et dirigé la revue
Java. Il a publié dans les principales revues de poésie contemporaine (
TXT, la
Revue de Littérature Générale,
Quaderno,
Il Particolare,
EC/ARTS,
Doc(k)s,
Action poétique, la
Res Poetica, etc.) et multiplié les lectures publiques et interventions performatives ainsi que les collaborations avec des artistes (comme avec la cinéaste Marie Poitevin et le musicien
Cédric Pigot). Il est notamment l'auteur de
Machine Manifeste (Léo Scheer, 2003),
Le Bazar de l'Hôtel de ville (
Al Dante, 2006),
Raymond Roussel : L'allée aux Lucioles / Les corps subtils aux gloires légitimantes (Les presses du réel, 2008).