Un échec matrimonial – Le cœur de la mariée mis à nu par son célibataire même (Marcel Duchamp et Lydie Fischer Sarazin-Levassor)
extrait
(p. 69)
Un détail d'ordre intime m'amusa beaucoup. C'est le soin avec lequel il
guettait sur son corps très soigneusement épilé, l'apparition du moindre
duvet pour le faire instantanément disparaître. Il avait une horreur presque
maladive de tout poil. Outre qu'il trouvait cela laid et sale, cela,
disait-il, est un trop grossier rappel du fait que l'homme, après tout,
n'est qu'un animal un peu évolué. Pour un peu, il se serait rasé la tête,
comme les Russes le font l'été mais il reconnaissait que ce n'était pas
seyant. Il avait apprécié que mes cheveux soient coupés extrêmement courts
et, finalement, m'invita à suivre son exemple et à procéder à une épilation
totale. Pourquoi pas, si cela lui faisait plaisir ? Ce fut une séance
mémorable car le produit employé, très efficace, à base de souffre,
dégageait une odeur caractéristique qui me poursuivit au moins quarante-huit
heures ! J'avais beau me baigner, m'inonder de parfum, on aurait pu me
suivre à la trace. Lucifer arrivant tout droit des Enfers n'aurait pas été
plus décelable que moi !