Introduction
(extrait, p. 6-7)
La question candide d'un critique français, me demandant pourquoi j'écrivais peu de monographies d'artistes, m'a amené à m'interroger sur la vision qu'un lecteur francophone pouvait avoir de mon travail. Il est vrai que depuis près de quinze ans, hormis trois essais publiés en volumes, les neuf dixièmes de mes écrits ont été publiés à l'étranger et en anglais. Quant au dixième restant, il figure dans des catalogues souvent épuisés, ou des revues d'art. À partir d'une recherche théorique balisée par des concepts qui ont rencontré un certain écho critique (l'esthétique relationnelle, la postproduction, l'artiste sémionaute, l'altermoderne...), j'ai tenté de faire de ce recueil un itinéraire-bis, reliant entre eux des textes éloignés par l'époque de leur écriture. 1987 est l'année de parution du plus ancien, Le
Syndrome Roger Rabbit, qui traite de la génération « simulationniste » américaine, de Jeff Koons à Haim Steinbach. Le plus récent a été écrit en 2010, et il commente les travaux de Meredith Sparks,
Kelley Walker ou
Seth Price.
J'ai toujours considéré qu'un texte envoyé à l'imprimerie n'était aucunement « terminé », mais en état d'« inachèvement définitif ». Mes livres eux-mêmes, j'aimerais les reprendre tous les ans. Cette compilation ne constitue donc pas un exercice de vidange de mon disque dur, mais elle illustre une méthode dont je revendique les connotations talmudiques — au cœur, selon moi, de l'activité critique : j'avoue que je pourrais volontiers consacrer mon temps à me réécrire, à commenter des commentaires, à annoter un corpus prétendument achevé. Autant dire que, porteur de cette exigence-là, on ne se considère satisfait du travail accompli qu'après sa propre mort : le
midrashiste ne saurait d'ailleurs tolérer un état moins mature de sa propre pensée...
(...)