Bouchra Khalili, Les cartographies aléatoires –
Ici et là-bas
Pascale Cassagnau
(extrait, p. 37-38)
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Depuis quelques années déjà la rencontre entre
l'art contemporain et le documentaire s'est
avérée particulièrement féconde, le document
et l'archive comme question et méthode
constituent un véritable horizon de pensée de
la création contemporaine. L'émergence du
document dans l'économie des savoirs modifie
– a modifié tout au long du XXe siècle – le
statut de la mémoire. L'image, en effet, dote
la mémoire d'un support, d'un prisme de
réflexion, qui conduit le regard sur l'objet de la
mémoire et sur la mémoire de l'objet. En outre,
le document génère des types d'assemblages et de montages qui sont les supports pour
des élaborations d'histoires, des formes
d'historicisation. En outre, l'élaboration des
archives croise une interrogation sur l'Histoire
et les histoires personnelles, singulières. Le
territoire du documentaire désigne alors un
travail du film commun propre aux artistes et
aux cinéastes : celui de disposer de façon non
linéaire les éléments filmiques, en dehors des
structures strictement narratives.
Membre fondatrice de la nouvelle
Cinémathèque de Tanger avec l'artiste
Yto
Barrada notamment, Bouchra Khalili travaille
aux frontières entre les arts visuels et le
cinéma. Relevant de l'essai documentaire,
au sens fragmentaire du terme, ses œuvres
filmiques – installations ou films – portent sur
les notions de déplacement, de relation et de
distance, entre des géographies physiques et
imaginaires. Films brefs, d'une forme propre à
la nouvelle, ceux-ci constituent des systèmes
de notation, impliquant écriture et langage,
attachés à décrypter des signes posés dans
l'espace urbain ou dans des paysages, comme
autant d'incises visuelles. Les notations
voisinent avec des descriptions, pour une
activité de déchiffrement et d'interprétation en
image.
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