extrait
Introduction
(p. 12)
Depuis les premières
recherches de l'académie
celtique en 1804,
chargée de recueillir les
traditions, coutumes,
usages et les langages,
suivies par l'introduction
du terme par l'Anglais
William Thoms en 1846,
le folklore (de « folk », peuple, et « lore », savoir)
n'a eu de cesse de constituer une alternative à
un pouvoir central, en étant lié à la définition
d'identités locales. Il apparaît comme le lieu
d'un affrontement symbolique : les savoirs des
peuples face au savoir d'une élite attachée à
l'idée d'universalisme. Aussi l'exposition prendelle
acte d'un changement de civilisation au
sein duquel les règles d'un ancien partage entre
« culture dominante » et « contre-cultures » ont
évolué : travaillant en réseau à l'intérieur d'un
système global, les pratiques folkloriques actuelles
procèdent par appropriations et transformations,
délocalisations et relocalisations,
métissages et recyclages.
Les insiders sont les membres d'un collectif qui
partagent un savoir et le transmettent selon
certains codes précis. Par contraste avec une
posture d'expert, l'insider a en main les matériaux
bruts du contexte culturel auquel il appartient
et qu'il peut légitimement observer ou représenter.
Les circulations, les transformations
et le partage de ces savoirs constituent autant
de propositions nouvelles que cette exposition
veut investir.
Pour comprendre ces pratiques, la méthode générale
du projet Insiders se fonde sur le principe
de l'enquête de terrain, à la manière des premiers
folkloristes qui opéraient sur leurs propres
territoires par observations et recensements.
Afin d'actualiser ce champ d'investigation, de
nombreux « observateurs-participants » (artistes,
curateurs, collectionneurs, collectifs…), situés à divers endroits du monde, ont été conviés
à partager leurs expériences.
Nous avons choisi d'aborder chacun des projets
artistiques à partir des pratiques, usages et savoir-
faire dont ils procèdent, répertoriant pour
cela les catégories de gestes qui les qualifient :
amplifier (augmenter, ajouter…), bricoler (faire
soi-même, démonter et remonter, transformer,
adapter, développer…), célébrer (commémorer,
défiler, s'initier…), échanger (emprunter, troquer,
recycler, détourner…), collecter (accumuler, entasser,
collectionner, archiver…), jouer (concourir,
participer, défier…), reprendre (reconstituer,
rejouer, imiter, recopier, reconnecter…), transmettre
(partager des savoirs immatériels, des
codes culturels et identitaires…). Tous ces gestes
sont reliés par une activité commune, la collecte,
bénéficiant dans le cadre d'Insiders d'un statut
privilégié. Cette dernière – consistant à sélectionner,
rassembler, valoriser et préserver des
unités dans un ensemble – traverse les pratiques
folkloriques, artistiques, anthropologiques
et muséographiques. Toutes les propositions
retenues dans l'exposition reposent sur un
recueil d'objets, d'informations, d'événements
singuliers, d'histoires mineures, dont les modes
de restitution relèvent aussi bien de l'archivage
sauvage, du film documentaire, du musée thématique
que du récit et de l'action.
Face à l'extrême diversité de ces modes d'expression,
l'exposition se refuse à toute synthèse pour
tenter une forme plus hétérogène, entre ordre et
désordre, à la manière d'un récit choral.
Charlotte Laubard, Yann Chateigné Tytelman, Émilie Renard
commissaires pour le CAPC
Christophe Kihm, conseiller scientifique