– Qu'est ce que tu comptes faire de tous ces carnets que tu as remplis depuis notre arrivée au Japon. Tu comptes les publier ?
– Non, ce serait énorme et inutile. Je publierai, peut-être, des
calligrammes que j'ai faits sur certaines pages, seulement cela.
– Des
Calligrammes comme
Apollinaire ?
– Comme, je ne crois pas, des
Calligrammes APRÈS Apollinaire. Simplement.
– Tu devrais mettre aussi des fragments. Est-ce que tu es sûr que c'est la bonne route pour Kagoshima ?
– Je ne sais pas ; je n'ai pas fait attention. Je crois que je ferais mieux de ne rien publier du tout.
– Moi je sais ce que tu dois faire, dit Bien-Aimée. Tu dois faire ce que disait
Degas.
– Et qu'est-ce qu'il disait Degas ?
– Degas disait : « Il faut ensorceler la réalité pour lui donner l'apparence de la folie. » C'est facile, non ?
Jean-François Bory (né en 1938 à Paris, où il vit et travaille) écrit depuis l'âge de 4 ou 5 ans, comme beaucoup de monde. Il vit une enfance mouvementée en Asie, et fonde, à l'âge de 12 ans, avec des camarades de classe du lycée Hué au Vietnam, une revue littéraire, recopiée à la main en plusieurs exemplaires, intitulée
L'Encrier. Entre 1958 et 1961, il participe à la guerre d'Algérie dans le massif de l'Ouarsenis. En 1962, il reprend des études puis travaille à l'A.F.P.
À New York, en 1968, Bory publie l'une des toutes premières anthologies de
poésie visuelle internationale. Après avoir pris son temps et s'y être préparé, il se débarrasse de toute activité salariée en 1972, à 34 ans, et n'y revient jamais. Au début des années 70, alors que le
dadaïste Raoul Hausmann avait quasiment sombré dans l'oubli, Bory publie
Raoul Hausmann et Dada à Berlin (L'Herne, 1972) et organise la même année, une exposition de cet artiste au Studio Brescia (Italie). Il perd un œil en 1977. Bory a publié dans de nombreuses revues, en a fondé certaines (
L'Humidité,
591) et codirigé d'autres (
Celebrity Cafe,
Approches). Il participe à des lectures, des expositions et des performances à travers le monde.