L'histoire du capitalisme des années 1960 revisitée à l'aune des œuvres d'art qui l'ont mis à l'épreuve : Sophie Cras reconsidère de fond en comble la relation entre les artistes et le capitalisme de la période à la lumière des travaux récents en histoire de l'art et en économie.
« Vouloir assigner son prix réel, en argent, à une œuvre d'art, c'est l'insulter », pouvait encore écrire Stéphane Mallarmé en 1889. A bien des égards, les années 1960 sonnèrent le glas cette conception qui voyait une opposition radicale entre les sphères artistique et économique. Parler des peintures comme de « billets géants », ou de « valeurs en bourse » devint après-guerre un lieu commun du discours critique, dans les pays où une hausse vertigineuse du
marché de l'art accompagnait la croissance des économies capitalistes. Économistes et sociologues commencèrent à appliquer leurs méthodes au domaine artistique, envisageant l'art comme une « marchandise » voire comme un « investissement » et l'artiste comme une « profession ».
En retour, c'est ce que le présent ouvrage cherche à mettre en lumière, l'art s'attela à repenser l'économie de manière créative et critique. L'argent, les signes monétaires et les statistiques financières s'immiscèrent dans des peintures, des sculptures, des performances. Les artistes ne se contentèrent pas de refléter les codes visuels du monde économique : ils transformèrent les conditions d'échange des œuvres, imaginèrent des économiques alternatives, ou parasitèrent les systèmes existants. Ce faisant, ils érigeaient l'art en laboratoire pour repenser l'économie de leur temps, marquée par l'inflation, les bouleversements du système monétaire international et l'abandon de l'étalon-or. Des expériences d'
Yves Klein aux projets de l'
Internationale Situationniste, des jeux visuels du
pop art aux procédures de l'
art conceptuel ou du
mail art, ce livre propose de revisiter l'histoire du capitalisme des années 1960 à l'aune des œuvres d'art qui l'ont mis à l'épreuve.
« Sous-titré
Art et capitalisme dans les années 1960, cet essai innove. Les liens entre l'art et l'argent sont généralement étudiés sous l'angle du marché. Ici, les artistes, leurs théories et leurs créations sont placés au cœur d'un questionnement sur la valeur de l'œuvre, le rôle économique de l'art et, plus largement, le fonctionnement de l'univers capitaliste (...). Cette effervescence aux accents politiques revigore. Au fil de cette étude parfaitement informée, Sophie Cras éclaire à la fois le monde de l'art et les mécanismes économiques ou financiers sur lesquels des artistes avaient l'espoir de peser. En outre, ses analyses affinent et parfois renouvellent la compréhension des œuvres convoquées, y compris sur le plan strictement formel. C'est là un des nombreux mérites de cet ouvrage particulièrement stimulant. »
Denys Riout,
Critique d'art
Cet ouvrage a fait l'objet d'une édition anglaise, récompensée du French Voices Award de la Foundation for French American Cultural Exchange (FACE) en 2018.
Sophie Cras est maîtresse de conférences en Histoire de l'art contemporain à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Formée en
économie et en
histoire de l'art, elle s'intéresse à de nouvelles approches à l'intersection de ces deux disciplines.