À partir de l'observation des manifestations publiques d'
Antonin Artaud en 1946-1947, de l'irruption en ces mêmes années du mouvement
lettriste à Saint-Germain-des-Prés, de l'arrivée de la
Beat Generation à la fin des années 1950, du festival
Fluxus et des différents événements organisés par
Jean-Jacques Lebel, Jean-Clarence Lambert et
Henri Chopin durant les années 1960, cette étude propose une histoire de ces pratiques qui à Paris, entre 1946 et 1969, ont lié poésie et performance et fait de l'oralité leur champ d'investigation principal.
En reprenant le flambeau des avant-gardes du début du XXe siècle, ces expériences appellent à une poésie définie comme action et cherchent à relier art, vie et politique. Ouvrant plusieurs chantiers qui prennent appui sur autant de refus : celui du livre, celui du spectacle, celui du langage comme propagande politique et publicitaire, elles situent l'engagement physique du poète, à la fois auteur et « proféracteur », au centre de leurs préoccupations. À travers l'emploi du magnétophone notamment, elles mettent en place un vaste champ d'expérimentations qui donne naissance à la «
poésie sonore », avec les
mégapneumes de Gil J Wolman, les
cut-ups de
Brion Gysin et de
William S. Burroughs, les
crirythmes de
François Dufrêne, les
audiopoèmes de
Henri Chopin, les
poèmes-partitions de
Bernard Heidsieck…
En retraçant les trajectoires mais aussi leur croisement et en analysant les prises de position et les différentes stratégies, ce travail observe et questionne l'émergence et l'évolution de la figure du « poète-performer », son savoir-faire et ses aspirations ; il s'attache à des pratiques qui ont participé pendant deux décennies à préparer l'imaginaire et le terrain revendicatif de Mai 68 et qui continuent à irriguer de leur inventivité différentes scènes (et hors scènes) d'aujourd'hui.
« Un livre si foisonnant, croisant menus faits et grandes perspectives, apports historiques et éléments théoriques, et reposant sur une connaissance remarquable de l'époque et des œuvres, appuyée sur une bibliographie considérable : une contribution, plus qu'indispensable, à la connaissance d'un champ poétique trop longtemps ignoré, ou méprisé, et à sa légitimation en cours. »
Jean-Pierre Bobillot,
L'Intranquille
« L'ouvrage
Proféractions ! représente, au‑delà de lui‑même, une nouvelle génération de chercheurs à la fois inventive dans l'idée et rigoureuse dans les protocoles, dialoguant de part et d'autre du mur institutionnel entre théâtrologues et littéraires. Leurs travaux témoignent d'une rupture radicale avec ce qui trahissait une incompréhension, ou une peur, de la parole, paralysante pour la pensée. Toutes leurs recherches, notons‑le, s'inscrivent clairement dans une histoire sociale de la parole, d'où leur importance aujourd'hui. »
Marie-Madeleine Mervant-Roux,
Acta Fabula
Après un doctorat en études théâtrales à l'université de Paris-Nanterre, Cristina De Simone est maître de conférences au département des arts du spectacle de l'université de Caen-Normandie. Collaboratrice artistique au Théâtre l'Échangeur – Cie Public Chéri à Bagnolet, elle poursuit également une recherche en tant qu'interprète et dramaturge.