Catalogue consacré à un projet
vidéo sur la pratique du
gospel mime au sein de l'église afro-américaine. L'occasion pour Steffani Jemison d'exprimer son intérêt pour le
langage et le geste, et la dimension discursive de la culture des Africains-Américains (dans le cadre du programme « Satellite » organisé par le Jeu de Paume et le CAPC).
Né d'une pratique interdisciplinaire qui met l'accent sur la dimension discursive de la culture afro-américaine, le travail de Steffani Jemison force les limites du langage. Dans la vidéo qu'elle a réalisée à l'occasion de la programmation Satellite, intitulée
Sensus Plenior – l'équivalent latin de notre « sens profond » –, elle exprime son intérêt pour le langage et le geste à travers le gospel mime. Depuis vingt-cinq ans, on a vu se développer, au sein de l'église afro-américaine, cette pratique consistant à recourir au mime pour interpréter des chants gospel. La vidéo s'ouvre sur la figure du pasteur Susan Webb, chef de file du Master Mime Ministry of Harlem, qui nous est montrée en pleine contemplation lors d'une séance de répétition. Privilégiant exclusivement le caractère silencieux de la performance, le film de Jemison témoigne de son intérêt pour ce qui ne passe pas par les mots, pour le silence qui forme le creuset de l'action, de l'affirmation de soi et de la résistance.
Reflet de l'intérêt de Steffani Jemison pour le
cinéma muet,
Sensus Plenior interroge l'influence du mime sur les conventions régissant la mise en scène de soi et les limites du discours au tournant du XXe siècle. L'artiste brouille les frontières entre performance et cinéma, offrant au public un moment de suspens hors des constructions du temps linéaire et des significations reçues. Refusant l'épaisseur psychologique des personnages du cinéma moderne, les interprètes du gospel mime se réservent toute liberté de se comporter de façon imprévisible : ils mettent ainsi l'accent sur ce qui, dans le quotidien des Noirs, distingue la vie privée de la vie publique.
Accompagnant l'exposition de Steffani Jemison au Jeu de Paume et au CAPC, le présent livre comprend un texte introductif du commissaire, Osei Bonsu, ainsi qu'une conversation de l'artiste avec l'écrivaine Sharifa Rhodes-Pitts autour de leur expérience du gospel mime. Cette publication reproduit également une note de Jemison ainsi que des dessins inédits de l'artiste déployant un répertoire de gestes développés par Susan Webb.
Publié à l'occasion de la double exposition éponyme au CAPC musée d'art contemporain de Bordeaux, du 7 septembre au 12 novembre 2017, et au Jeu de Paume, Paris, du 17 octobre 2017 au 21 janvier 2018.
Initiée en 2007, la programmation Satellite du Jeu de Paume est dédiée à la création contemporaine. Depuis 2015, le Jeu de Paume et le CAPC musée d'art contemporain de Bordeaux organisent conjointement ce programme d'expositions, assuré dès sa création par des commissaires d'envergure internationale (Fabienne Fulchéri, María Inés Rodríguez, Elena Filipovic,
Raimundas Malašauskas, Filipa Oliveira,
Mathieu Copeland, Nataša Petrešin-Bachelez, Erin Gleeson et Heidi Ballet). Pour cette édition 2017, intitulée « L'économie du vivant », le Jeu de Paume et le CAPC musée ont convié Osei Bonsu, commissaire d'exposition et auteur basé à Londres.
Prenant pour base le support
filmique, la programmation sera interdisciplinaire, invitant à un dialogue effectif et ciblé avec l'image mouvante. « L'économie du vivant », qui s'ouvrira avec
Ali Cherri et se cloturera avec
Jumana Manna, est tournée vers la transmission et la préservation de l'histoire en tant que réceptacle de la mémoire vivante. Ces confrontations ouvriront l'espace propice à l'exploration du temps et de la temporalité que mènent Steffani Jemison et
Oscar Murillo, dont les pratiques formelles mettent en évidence une poétique des gestes physiques influencée par ces facteurs socio-économiques que sont les usines, les projets d'aménagement urbain ou les parcs publics.
Les expositions de la programmation Satellite s'accompagnent de quatre publications, confiés chaque année à des graphistes indépendants. Les expositions de L'économie du vivant sont également présentées au Jeu de Paume à Paris et à la Maison d'Art Bernard Anthonioz à Nogent-sur-Marne en 2017.
Steffani Jemison (née en 1981 à Berkeley, Californie, l'artiste vit et travaille à Brooklyn, New York) utilise des dispositifs temporels, tant
photographiques que discursifs, pour interroger l'idée de « progrès » et ses alternatives. Prolongeant une pratique qui situe l'histoire et la
culture afro-américaine au carrefour de l'
art conceptuel, le travail de Jemison interroge les stratégies visuelles dont nous avons hérité et la façon dont elles peuvent limiter ou élargir notre accès à l'histoire.
Elle est titulaire d'une maîtrise de la School of the Art Institute de Chicago (2009) et d'une licence en littérature comparée de l'université Columbia (2003). Elle a participé à différents programmes de résidence pour artistes, dans le cadre notamment de Smack Mellon, Brooklyn ; International Studio and Curatorial Program à Brooklyn ; Project Row Houses à Houston Elle présente en 2015 sa commande pluripartite « Promise Machine » au Museum of Modern Art de New York.
Le travail de Steffani Jemison est exposé aux Etats-Unis et à l'étranger, notamment par le Brooklyn Museum (New York), le Drawing Center (New York), LAXART (Los Angeles), le New Museum (New York), l'Académie royale danoise des Beaux-arts (Copenhague), le Studio Museum de Harlem (New York), Laurel Gitlen, la Team Gallery, entre autres.