Lettres de Panduranga évoque le sort de l'ethnie vietnamienne des Cham, dont le territoire est menacé par la construction de deux centrales nucléaires. Dans un rôle d'ethnologue, la cinéaste et plasticienne Nguyen Trinh Thi explore les enjeux liés la transmission de la parole et de l'histoire ainsi que les formes nouvelles du
colonialisme (dans le cadre du programme « Satellite » organisé par le Jeu de Paume et le CAPC).
Sédimentation personnelle et poétique de récits dissimulés et d'événements actuels, la pratique artistique de Nguyen Trinh Thi articule avec pertinence la problématique de la censure abordée sous les points de vue du documentariste, de l'artiste et de la collectivité.
S'apparentant à un essai filmique, Lettres de Panduranga dépeint des villageois de l'ethnie Cham vivant dans la province de Ninh Thuận au Viêtnam et confrontés à des circonstances qui menacent leur existence même. C'est dans cette région autrefois appelée Panduranga, le dernier territoire de l'ancien royaume matriarcal de Champa, que le gouvernement vietnamien envisage en effet de construire d'ici 2020 les deux premières centrales nucléaires du pays. Le débat public relatif à ce projet a brillé par son inexistence, l'État vietnamien exerçant un contrôle strict sur les activités des médias ainsi que sur les possibilités d'expression de l'opinion publique.
S'appuyant sur un réseau d'intellectuels Cham, l'artiste a séjourné à plusieurs reprises dans la province de Ninh Thuận. Confrontée aux problématiques de l'accessibilité, de la représentation et de la prise de parole au nom d'autrui, Nguyen Trinh Thi constate : « En tant qu'artistes, nous sommes animés par deux désirs contradictoires : celui de nous engager, mais aussi celui de disparaître. » Les portraits, les paysages et les voix rassemblés par Nguyen dans Lettres de Panduranga expriment une réflexion plurielle autour des questions cruciales du travail de terrain, de l'ethnographie, de l'accès à l'histoire et de la perpétuation des colonialismes, ainsi que du rôle de l'artiste.
Publié à l'occasion de la double exposition éponyme au Jeu de Paume, Paris, du 20 octobre 2015 au 24 janvier 2016 et au CAPC musée d'art contemporain de Bordeaux du 26 novembre 2015 au 14 février 2016.
Depuis 2007, la programmation Satellite du Jeu de Paume est dédiée à la création contemporaine. En 2015, le Jeu de Paume et le CAPC musée d'art contemporain de Bordeaux organisent conjointement la huitième édition de ce programme d'expositions, assuré depuis sa création par des commissaires d'envergure internationale (Fabienne Fulchéri, María Inés Rodríguez, Elena Filipovic,
Raimundas Malašauskas, Filipa Oliveira,
Mathieu Copeland et Nataša Petrešin-Bachelez).
Intitulé « Rallier le flot », ce nouveau cycle confié à Erin Gleeson présente un choix de travaux issus de la scène artistique de l'Asie du Sud-Est à travers quatre expositions monographiques. Il regroupe les artistes
Vandy Rattana (Cambodge),
Arin Rungjang (Thaïlande),
Khvay Samnang (Cambodge) et Nguyen Trinh Thi (Vietnam), dont la pratique s'ancre dans un patrimoine complexe d'occupations et de censures culturelles et historiques, mais n'en œuvre pas moins en résistance à cet héritage.
Chaque exposition est accompagnée d'une publication imaginée comme une « carte blanche » aux artistes. Conçue dans un dialogue étroit avec un studio graphique renouvelé à l'occasion de chaque édition, cette série d'ouvrages s'offre comme un espace de création autonome au sein de la programmation Satellite.
Nguyen Trinh Thi est née en 1973 à Hanoï, où elle vit et travaille aujourd'hui. Elle a étudié le journalisme et la photographie à l'université d'Iowa ainsi que les relations internationales et le cinéma ethnographique à l'université de Californie à San Diego. Elle fonde en 2009 le Hanoï DocLab, centre dédié au film documentaire et à l'art vidéo à Hanoï, dont elle dirige les activités. En 2015-2016, elle est artiste en résidence au DAAD de Berlin.
Elle a récemment exposé dans les lieux suivants :
Biennale de Lyon, France (2015) ; Biennale d'art asiatique, Taipei, Taïwan (2015) ; « Finalist Exhibition », APBF Signature Art Prize, musée des Beaux-Arts de Singapour (2014) ; Ve Triennale de Fukuoka, musée des Arts asiatiques de Fukuoka, Japon (2014) ; « If The World Changed », IVe Biennale de Singapour (2013) ; XVe Biennale de Jakarta, Indonésie (2013) ; « Collecting Counter-Memories », San Art, Hồ Chí Minh-Ville, Vietnam (2013) ; « Move on Asia : Art vidéo en Asie 2002-2012 », ZKM Karlsruhe, Allemagne (2013) ; « Women in Between: Asian Women Artists 1984-2012 », musée des Arts asiatiques de Fukuoka, musée des Beaux-Arts de la préfecture d'Okinawa, Japon (2012) ; DMZ International Documentary Film Festival, Corée du Sud (2011).