Une traversée de la représentation de la douleur, infligée ou reçue par l'homme, dans l'art des XXe et XXIe siècles.
Co-organisée par le Musée international de la Croix-Rouge et
du Croissant-Rouge et par le Musée d'art moderne et contemporain
de Genève (Mamco), l'exposition
Trop humain propose
une traversée de la représentation de la douleur dans l'art des
XXe et XXIe siècles à travers un choix d'œuvres évoquant les
souffrances qui rythment l'histoire des hommes. Thème essentiel
de la peinture et de la sculpture, l'expression de la douleur
infligée ou reçue est également un motif important de l'art
moderne et contemporain. De
Picasso à
Louise Bourgeois, de
Julio González à Pascal Convert, à travers un choix d' œuvres
particulièrement représentatives de cette question,
Trop humain montre combien et comment les artistes ont fait de la souffrance,
et de son impact sur la vie des hommes, un objet de
création. Cette exposition constitue une véritable plongée dans
l'histoire de l'humanité. Si ce livre qui en est issu en restitue la
logique, il propose également des pistes de réflexion qui portent
tout autant sur le témoignage (comment restituer l'épreuve
de la douleur ?), sur le jugement (comment juger ceux qui ont
infligé la souffrance à autrui ?) et sur l'avenir (quelles sont les
nouvelles formes de souffrance ?). Une façon donc de faire de
cette traversée de l'art le moyen d'une analyse de ce que
l'homme – victime et bourreau – est capable d'infliger à l'autre,
éternellement.
Les trois essais réunis dans ce volume sont des outils de réflexion qui
viennent nourrir et augmenter le propos de l'exposition. Ils n'en sont
en aucune manière la paraphrase mais visent, bien au contraire, à donner
à chacun des perspectives historiques et théoriques renouvelées
concernant le sujet abordé, voire à élaborer des considérations plus
exploratoires encore. C'est ainsi que
Catherine Perret propose une
réflexion sur les conditions d'exposition de la souffrance et sur le rôle
joué par les images dans une telle monstration. Analysant l'exemple
paradigmatique représenté par le procès de Nuremberg, elle en dégage
des éléments généraux qui permettent de remettre en perspective la
valeur visuelle et orale du témoignage. C'est ainsi, encore, que
Bernard Vouilloux analyse le statut du vocabulaire de la souffrance dans deux
textes majeurs consacrés à la déportation,
Si c'est un homme, de Primo
Levi, et
L'Espèce humaine, de Robert Antelme. Comment écrire sur
la souffrance, comment en transmettre l'expérience ? Ces questions
essentielles occupent une large part de son analyse et ne cessent d'interroger
les limites mêmes du langage lorsque l'individu est plongé
dans des situations extrêmes. C'est ainsi, enfin, que Catherine Malabou
réfléchit sur les nouveaux visages de la douleur. Car souffrir a de toute
évidence une histoire : la souffrance actuelle, celle des cérébro-lésés,
apparaît comme suffisamment singulière pour bouleverser l'approche
de la maladie et du soin, pour interroger à nouveaux frais le statut
ancien de la souffrance, y compris sur le plan politique. Grâce à ces
lectures, chacun pourra vérifier combien le sujet abordé par l'exposition
Trop humain ouvre à des interrogations multiples et complexes.
Publié à l'occasion de l'exposition éponyme au Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Genève, de mai 2014 à janvier 2015.
Œuvres de Julio González,
Pablo Picasso,
Otto Dix,
Felix Nussbaum,
Édouard Pignon,
Pierre Tal-Coat,
Zoran Mušič,
Louise Bourgeois,
Nikolai Getman,
Charlotte Salomon,
Leon Golub,
Bernard Buffet,
Werner Tübke,
Magdalena Abakanowicz,
Robert Morris,
Jean Roulland,
Erró,
On Kawara,
Martha Rosler,
Hubertus Giebe,
Thomas Schütte,
Alfredo Jaar,
Pascal Convert,
Kara Walker,
Jake & Dinos Chapman,
Sigalit Landau,
Berlinde De Bruyckere,
Omer Fast,
Lida Abdul,
Anri Sala,
Sada Tangara.