Livre d'artiste basé sur les enquêtes d'opinion, distordant
au gré de l'« opinion publique » l'emblème de la
République française.
Ce livre reprend cinquante sondages réalisés depuis le début du XXIe siècle par les principaux instituts de sondage français (BVA, CSA, IFOP, TNS Sofres, etc.), touchant aussi bien à des questions économiques et politiques que sociales et culturelles. Les pourcentages des réponses données à chaque question reconfigurent la largeur des bandes du drapeau français, en conservant toutefois ses couleurs et ses proportions (2:3) officielles. Le premier élément de réponse ou la réponse « oui » correspond à la couleur bleue ; le deuxième élément de réponse ou la réponse « non » à la couleur rouge ; au milieu, la part des sans réponses (ne se prononcent pas) équivaut au blanc. La composition de couleurs ainsi générée fait face à la question posée, distordant au gré de l'« opinion publique » cet emblème de la République française.
À l'entrée « drapeau de la France » dans Wikipédia, on peut lire que pendant longtemps, les trois bandes n'avaient pas la même largeur (c'est le cas du drapeau de Paris et cet usage s'est conservé durant la révolution). Il apparaît que c'est seulement depuis Napoléon Bonaparte et sur les conseils du peintre Jacques-Louis David que la réglementation instituant des bandes de largeur égale a été établie
(1). C'est également au XVIIIe siècle que le rôle prévisionnel des statistiques se met en place, le sondage – où « la partie peut remplacer le tout
(2) » – devenant à leur suite associé à l'idée de représentativité. L'un des paradoxes de ces sondages, d'autant plus manifeste aujourd'hui que le moindre aspect de la vie sociale ne semble pouvoir leur échapper, est qu'à la fois ils entendent livrer une opinion publique faisant office de « vérité du peuple » – qui pourtant dans son expression, sinon son calcul, reste sujette à caution –, et que dans le principe même de leurs statistiques, ils tendent à rendre, pour reprendre les mots de Jacques Bouveresse, « les individus, les idées et les événements presque complètement interchangeables
(3) ».
1 Wikipédia,
Le drapeau de la France,
http://fr.wikipedia.org/wiki/Drapeau_de_la_France (consulté le 29/02/2012).
2 Alain Desrosières,
La politique des grands nombres. Histoire de la raison statistique, Paris, La Découverte, 1993, p. 277.
3 Jacques Bouveresse,
Robert Musil. L'homme probable, le hasard, la moyenne et l'escargot de l'histoire, Paris, Editions de l'éclat, 1993, p. 104.
Matthieu Saladin, artiste et enseignant-chercheur, vit et travaille à Paris et Rennes. Sa pratique s'inscrit dans une approche
conceptuelle de l'art, réfléchissant, à travers un usage récurrent du son, sur la production des espaces, l'histoire des formes et des processus de création, ainsi que sur les rapports entre art et société du point de vue économique et politique. Elle prend aussi bien la forme d'installations sonores et de performances que de publications (livres, disques), de vidéos et de créations de logiciels.
Professeur des universités, sa recherche théorique porte principalement sur l'
art sonore et les
musiques expérimentales. Il codirige la collection
Ohcetecho aux Presses du réel, participe aux comités de rédaction des revues
Volume! et
Revue et Corrigée, et a été directeur de rédaction de la revue de recherche
Tacet.
Son travail est présent dans les collections du CNAP, du
FRAC Franche-Comté, du FRAC Normandie Rouen et de la Fondation Kadist.
Voir aussi
L'expérience de l'expérimentation (édité par Matthieu Saladin).