L'artiste et théoricien du son Brandon LaBelle nous guide à travers la poétique de l'artiste Sonia Boyce, considérant le son comme une forme d'inclusion radicale, un médium capable de générer des interactions, des récits et de nouveaux modes de compéhension.
Le son et l'écoute construisent des processus qui remettent en question l'individualité humaine et les langages conventionnels. Le son, par sa nature poreuse, et la manifestation culturelle et symbolique de la musique qui favorise les liens sociaux, exercent une influence sur la capacité de chacun à participer.
Le projet de Sonia Boyce pour Palazzo della Ragione l'a amenée à collaborer avec trois étudiants de l'Institut supérieur d'études musicales « Gaetano Donizetti » de Bergame, qui ont été invités à interpréter et à improviser des chansons populaires au cœur de la « Città Alta » de Bergame. L'acte de chanter depuis les balcons est une référence explicite aux confinements de 2020, au cours desquels les gens chantaient des chansons depuis l'intérieur de leurs maisons pour se soutenir les uns les autres en temps de crise. Ces actions ont inspiré l'artiste, pour qui le chant représente un geste d'altruisme et d'empathie.
Après
Rachel Whiteread par Angelo Antonio Moroni et Pietro Roberto Goisis,
The Joy of Cacophony est le deuxième livre d'une série de courts essais inspirés par les projets artistiques spécialement conçus pour la GAMeC au Palazzo della Ragione, un lieu symbolique et historique de la ville de Bergame. Il a été demandé à l'artiste de choisir un auteur qui l'intéresse – chercheur, philosophe ou universitaire – et dont la pensée pourrait être considérée comme la source du projet, afin de trouver un chemin à travers les complexités de l'époque actuelle, en partant de l'œuvre produite mais sans nécessairement s'y arrêter.
Brandon LaBelle est
musicien, artiste, écrivain, théoricien, commissaire d'exposition, enseignant et éditeur basé à Berlin. Son travail, basé sur l'
installation sonore, la performance, l'enregistrement, l'utilisation de sons recyclés et l'environnement dans lequel ils sont diffusés, nourrit une réflexion théorique sur les dimensions sociales de l'écoute et sur la manière dont le son, en de multiples variations, agit sur l'espace public. Il établit des connections entre différents médias en introduisant du vocabulaire vidéo, architectural ou sculptural dans un champ plus large de problématiques rhétoriques et spatiales.
Son intérêt pour les questions liées à l'« agentivité », la communauté, la culture pirate et la poésie se traduit par une série d'initiatives collaboratives et para-institutionnelles, parmi lesquelles
The Listening Biennial and Academy (2021-),
Communities in Movement (2019-),
The Living School (2014-16),
Oficina de Autonomia (2017),
The Imaginary Republic (2014-19),
Dirty Ear Forum (2013-),
Surface Tension (2003-2008) et
Beyond Music Sound Festival (1998-2002).
Il est le fondateur de
Errant Bodies Press, plate-forme éditoriale dédiée aux arts sonores, à la performance et à la poésie, à la recherche artistique et à la pensée politique contemporaine.
Sonia Boyce (née en 1962 à Londres, où elle vit et travaille) s'est fait connaître au début des années 1980 en tant que figure clé de la scène artistique
British Black Art, devenant une des artistes les plus jeunes de sa génération à entrer dans les collections de la Tate Gallery. Sa production artistique était alors associée à un retour de la
peinture figurative sous les traits de l'identité
raciale et
genrée dans le contexte
britannique thatchérien (
Lay Back Keep Quiet and Think of What Made Britain So Great, 1986).
Or ses œuvres
photographiques,
Tongues (1997) ; ses papiers peints,
Clapping Hands (1994),
Lovers' Rock (1998) ; ses installations,
Afro Blanket (1994) et ses
vidéos,
The Audition (1998-), montrent dès les années 1990 un intérêt accru pour la chanson, la
musique et le
son, à travers une dimension
archivistique,
performative et le développement d'une pratique
collaborative. Cette articulation s'exerce désormais au sein d'installations et de vidéos, manifestes d'improvisations, lesquelles évoquent les relations de pouvoirs interpersonnels ainsi que les négociations entre l'histoire officielle et la mémoire collective (
Dance of Belem, 2011;
Move, 2013). Performeurs, chanteurs, vocalistes, danseurs et badauds redéfinissant les enjeux actuels des pratiques collaboratives sous le cadrage des caméras.
Nombres de ses travaux sont présents dans les collections nationales britanniques (Tate Modern, Arts Council Collection, British Council, Victoria and Albert Museum, Government Art Collection, Whitworth Art Gallery). Inclus dans ses expositions personnelles : « Devotional », National Portrait Gallery, Londres (2007) ; « Crop Over », Harewood House, Leeds et Museum & Historical Society de la Barbade (2007/2008), « For you, only you (Paul Bonaventura) », Ruskin School of Drawing & Fine Art, Oxford University et tournée (2007/2008), « Like Love », Spike Island, Bristol et tournée (Green Box Press, Berlin 2010) ; « Scat : Sound and Collaboration », Rivington Place, Institute of International Visual Art (2013).
Elle participe régulièrement à des biennales internationales comme « Praxis : Art in Times of Uncertainty, 2e Biennale de Thessalonique, Grèce (2009) ; « The Impossible Community », Moscow Museum of Modern Art (2011) ; « Play! Recapturing the Radical Imagination », 7e Biennale internationale d'art contemporain de Göteborg (2013) ; « All the World's Futures », 56e Biennale de Venise (2015). Sonia Boyce a remporté le Golden Lion pour son projet à la 59e Biennale de Venise en 2022.
Professeur d'art depuis 1986, l'artiste a souligné le rôle prépondérant de l'école d'art comme lieu de recherche générateur de sa pratique. Sonia Boyce est également chercheure et directrice du projet « Black Artists and Modernism » financé par le Arts & Humanities Research Council (UAL/université de Middlesex, Londres).