Il s'agit d'une sorte de club très libre réunissant des artistes de tous horizons insoumis à la hiérarchie des genres, au point d'être marginalisés ou délégitimés par d'autres, mais jouissant d'un capital d'admiration tel hors de leur domaine d'expression qu'on les qualifie de « cultes ». Quel terme choisi pour les dénommer ? « Banni.e.s ». Et pour désigner leur insolite confrérie ? Le sigle LCDB, constitué de la première lettre de l'énoncé explicite :
Le Culte Des Banni.e.s.
L'origine de cet essai sans visée académique : une conversation estivale lointaine. Les échanges roulaient désinvoltes sur divers sujets, lorsque je me suis vu opposer, par deux charmantes productrices de cinéma, à l'engouement manifesté pour le dernier film de Wes Anderson (
Moonrise Kingdom, 2012), que la chose n'avait rien de surprenant venant d'un artiste (sous-entendu « plasticien »). Cette assertion étrange, postulant l'artiste comme prédisposé à apprécier ce film, m'avait, sur le moment, laissé sans réponse. Mais elle fit son chemin. Venant de découvrir que certaines œuvres cinématographiques seraient spécifiquement assignés aux artistes, je me suis interrogé : y aurait-il dès lors des « Cinéastes Pour Artistes » (CPA) ? et des « Artistes Pour Cinéastes » (APC), des « Musiciens Pour Artistes » (MPA), des « Musiciens Pour Cinéastes « (MPC), des « Écrivains Pour Chorégraphes » (ÉPC), des « Artistes Pour Architectes » (APA'), etc. ? Dérèglement catégoriel dans tous les sens ! Mais quelles marques infamantes les déclasseraient de leur caste d'origine, qui les placeraient paradoxalement dans une extraterritorialité féconde ? La « transdisciplinarité » ? L'impureté créatrice et l'insolence formelle seraient des qualificatifs plus justes. Trois noms irradient :
William S. Burroughs (WSB),
Jean-Luc Godard (JLG),
John Cage (JC), symboles d'une sur-modernité hétérogène enviable. Pour quels destinataires ? Des spectateurs-lecteurs-regardeurs–auditeurs aux yeux et oreilles grands ouverts. Est-ce tout ? Non. Est apparu, de proche en proche, dans ce qui constitue plus une dérive qu'une étude savante, tout un réseau de connexions et d'analogies avec, en fin de parcours sans fin, cette interrogation : et si ces « banni.e.s » n'étaient autres que mes « banni.e.s » « cultifiés » ?
« Arnaud Labelle-Rojoux nous livre, aux Presses du réel, un ouvrage d'une densité et d'une richesse extraordinaires. Le titre
LCDB : Le Culte Des Banni.e.s commence d'abord par nous interroger, avant de devenir rapidement très clair. L'auteur, artiste et essayiste, questionne la notion d'artiste banni. Ces artistes qui se sont éloignés des chemins prédéfinis, difficiles à classifier, ont pourtant révolutionné la pratique artistique, opérant un avant et un après difficiles à définir. Arnaud Labelle-Rojoux les assimile à des sortes de fantômes, membres de son panthéon imaginaire qui ont plané sur son art et sur sa vie toute entière. Le livre se construit comme une digression constante et une dérive passionnante dans laquelle nous sommes emportés avec l'auteur. »
Juliette Louazé,
Critique d'art
« Comme un romantique l'écrirait de la beauté, le volume de ce pavé est intérieur. Une vaste et complexe architecture où les voix résonnent entre elles et nous font tant raisonner que que déraisonner.
Le livre se déploie avec la grâce d'une cérémonieuse collection, prend les formes d'un parcours mélant érudition artistique décomplexée et expériences intimes avec des spectres tonitruants et des condisciples bien vivants. »
Antoni Collot,
Artpress
Arnaud Labelle-Rojoux (né en 1950 à Paris) est artiste et essayiste. Il s'est d'abord fait connaître dans le circuit de la
performance, dont il est devenu l'historien avec son livre
L'Acte pour l'art (Les Éditeurs Évidant, 1988 ; rééd.
Al Dante, 2004). Depuis, il a publié une dizaine d'ouvrages, dont
L'Art parodic' (Java, 1996 ; rééd. Zulma, 2003),
Leçons de scandale (Yellow Now, 2000),
Je suis bouleversé (Semiose, 2007),
Twist Tropiques (
Loevenbruck et Yellow Now, 2013),
Duchamp (collection
Icônes, Éditions François Bourin, 2020).
Voir aussi
Mathieu Copeland : En affinité(s) – Allan Kaprow / Arnaud Labelle-Rojoux.