les presses du réel
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Préface
L'enfance de ce qui vient
(p. 4-5)


On repère immédiatement que la nature du travail d'Hiraki Sawa peut être lue comme une élaboration artistique du ressouvenir. En effet, par-delà ce qui serait la répercussion d'une simple expérience intime, il nous entraîne dans la visualisation de la démarche philosophique ouverte par Platon avec sa théorie de la réminiscence : là où le destin de l'individu est aussi le destin du monde. Même si la logique habituelle de tout art est de faire émerger la généralité à travers l'existence singulière, c'est par un tour remarquable que l'intimité, mise en évidence par les images et constructions d'Hiraki Sawa, retrouve dans son travail celle du spectateur. Quand le moment de la reconnaissance de soi en autrui, mais aussi celui qui conduit de soi à soi (lorsque je me reconnais moi-même en me reconnaissant en l'autre – ce que signifie ce que l'artiste me dit en se le disant) passent et transitent par l'enfance. Si bien qu'on peut lire son œuvre comme une description du stade infans qui constituerait le socle de notre maturité, que celle-ci soit individuelle ou « civilisationnelle ». Que sont devenus nos rêves et nos jouets ?
Un complexe de Rosebud en quelque sorte. Mais on y verra aussi une réappropriation de l'enfance propre à réenchanter l'art d'aujourd'hui. Un fouriérisme donc. En plongeant par un effet miroir dans ce que montre l'art d'Hiraki Sawa, c'est, par-delà le portrait de nous-mêmes, celui de notre époque qui se profile, comme l'enfance de ce qui vient. Un moment de l'enfance et de la transition, où s'investit l'éducation, que Hiraki Sawa traite plus particulièrement dans Silts (2009), quand il envisage la question de la transmission d'expérience et de savoir, pour une commande de membres du personnel de l'Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Bourgogne.
Entre les images de l'éternel retour que bercent le flux et le reflux de l'océan et les migrations des oiseaux, ou le dispositif de la prise en charge de l'enfant dans son calage vers le savoir, la logique de la transmission se dessine entre nostalgie et mission, entre ce qui est de tout temps, ce qui a été et ce qui devrait être.

C'est en cela qu'il y a de l'engagement et celui-ci réside dans la captation de ce qui va découler de nous-mêmes. Il n'est pas inintéressant de noter que ce que suscite d'impression le travail d'Hiraki Sawa se retrouve parallèlement dans la mise en œuvre de l'exposition Carrousel (Besançon, 2010) ayant généré la présente monographie. En toute logique, l'exposition, comme moment-processus de la réception première, de la mise en évidence de ce qui vient, au contact d'une telle œuvre, imposait la mise en place du réseau de terrain. L'Art Center Social Club – avec ses relais régionaux : Faux Mouvement (Metz), le Centre d'Art Mobile (Besançon) et Le Consortium (Dijon) – était l'outil indispensable, alors que Frac Franche-Comté amenait son engagement afin de donner corps au travail entrepris et que les Musées de Besançon offraient des lieux propices et leur solidarité intellectuelle pour l'accueil d'un projet auquel adhéra avec enthousiasme l'Université de Franche-Comté (Institut de Formation des Maîtres).
Dans cet archipel de la réception, mêlant l'associatif et l'institutionnel, l'œuvre d'Hiraki Sawa distille à bon escient une part de sa vérité. Celle-ci, de par son jeu sur la mémoire et le ressouvenir, sa dissémination dans les individus, mais aussi dans ce qui les porte, décrit un schème de capillarité propre à dire ce qui nous entraîne. Avant que cette description ne suscite à son tour une capillarité de la réception dessinant les voies d'une pratique de ce qui vient.


Louis Ucciani (Centre d'Art Mobile, Besançon)
Xavier Douroux (Le Consortium, Dijon)
Emmanuel Guigon (Musées du Centre, Besançon)
Sylvie Zavatta (Fonds Régional d'Art Contemporain de Franche-Comté)
Maryse Jeanguyot (Faux Mouvement, Metz)
Pierre Statius (Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Franche-Comté)
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