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L'espoir de créer une oeuvre extraordinaire accompagne
tout peintre face à une toile « non-touchée », une toile encore
blanche. Il se souvient évidemment de toutes ses bravoures le
menant à une peinture qui lui plaît, comme on se délecte de
bonnes recettes de cuisine. Ainsi, sans grande difficulté, il
entame son oeuvre suivante.
Pour d'autres, plus rebelles, pour ces orgueilleux indomptables,
ce vis-à-vis est une confrontation faisant appel à tous leurs
espoirs ; elle est la menace d'un nouveau fiasco dans ce
dialogue qu'ils ont immodestement voulu entamer avec une
grande histoire. Et malgré cette conscience, ou justement à
cause d'elle, ils continuent leur conquête acharnée comme
celle de Don Juan. Un exemple emblématique d'un tel
comportement dans les arts est celui de Luigi Fontana avec
son idée de trouer et « limer » les toiles.
Il en est d'autres encore, moins instinctifs, mais très exigeants
et totalement non-conformistes (envers eux-mêmes comme
envers l'art) ; ces maximalistes se trouvant toujours quelque
part a mi-chemin entre la vie et la mort préfèrent retourner à
l'idée des iconoclastes. Non pour des raisons théologiques,
mais pour des raisons artistiques qui dérivent de concepts,
désormais ceux de l'art contemporain, encore plus embrouillés
et qui semblent être plus absurdes que ceux des théologiens.