Première monographie.
Les sculptures récentes d'Isabelle Andriessen ont l'air au premier abord endormies. Ces corps volumineux faits de céramique, soutenus par des supports en acier, semblent se trouver dans un état de latence qui dissimule cependant une activité constante et substantielle. Pour percevoir la vie qui anime cette matière il faut s'affranchir de notre perception temporelle d'être humain et d'accéder à un rythme beaucoup plus lent. Le temps ici s'étire ; la transformation de ces sculptures se déploie sur des durées qui dépassent celles de leur exposition, plusieurs mois, voire plusieurs années. Sécrétions de substances chimiques, oxydation, cristallisation, condensation, captation de moisissures ; ces micro-actions témoignent de la vivacité de ces entités qui semblent immuablement prendre possession de l'espace qu'elles occupent. Les limites qui définissent conventionnellement ce qu'on appelle le vivant et le non-vivant sont étendues, brouillées et tendent même vers une dissolution complète.
À l'occasion des expositions d'Isabelle Andriessen DORM (De Pont Museum of Contemporary Art, Tilburg, 2021) et BUNK (
CAN, Neuchâtel, 2021), cette publication réunit trois voix distinctes.
Mark von Schlegell, écrivain de science-fiction et critique d'art, écrit une nouvelle dans laquelle un ingénieur tente de localiser une IA perdue alors qu'un vaisseau spatial est en train de dérailler. Dans une série de photos autonomes, le photographe Nikola Lamburov réimagine les sculptures d'Andriessen, capturant leurs processus dans des paysages étranges et surréalistes. À travers des fractales, des liquides, des vapeurs et des métaux, l'essai de la commissaire Laura McLean-Ferris retrace les changements d'état qui s'opèrent dans les œuvres d'Andriessen et, ce faisant, découvre des systèmes d'enchevêtrement poreux qui prospèrent dans un monde sans humains.
Isabelle Andriessen (née en 1986 aux Pays-Bas) étudie les différentes façons d'animer physiquement des matériaux inanimés (synthétiques) afin de leur attribuer un métabolisme, un comportement et une action propres,
et s'interroge ainsi sur ce qui se situe entre être humain et non-humain, entre vivant et non-vivant. Ses sculptures sont des agents qui habitent l'espace liminal entre la sculpture et la performance, composés de matériaux qui agissent et évoluent, apparemment hors de contrôle et souvent de manière irréversible.