Cette monographie exhaustive, avec de nombreux textes critiques et entretiens, retrace le travail développé par Bernhard Rüdiger sur l'expérience physique, mettant en jeu l'objet, le corps, l'espace et le son, depuis trente-cinq ans, présenté dans un ordre chronologique inverse : chaque exposition est suivie de celle qui la précède.
Lieu privilégié du travail de la forme, la maquette est devenue pour l'artiste un espace d'expérimentation, souvent enrichi de séries de dessins d'étude. Comme pour les maquettes, il s'agit d'une mise à l'épreuve d'un processus plutôt que de la représentation de formes à produire. A des moments précis de sa carrière, ces maquettes ont étés réorganisés pour être exposées. Ces récurrences sont liées à des moments critiques, quand des nouvelles œuvres, des expositions, mais aussi des changements importants dans la réception du travail et plus généralement, dans la condition historique de faire de l'art, l'ont contraint à revenir sur les œuvres produites. Pour aller de l'avant l'artiste a ainsi réorganisé le travail passé, non pas à partir de ce qui est terminé dans les ouvres, mais à partir de ce que leur maquettes ont laissé ouvert et rendent visible dans une nouvelle réorganisation en atlas. Un espace qui met en relation et confronte les formes entre elles.
Le matériau principal de cette édition, les expositions organisées en ordre chronologique (des dernières expositions aux tout premières vers la fin des années 1980) suit une même logique. D'installation en installation le travail se donne à voir par la confrontation dialectique d'approches différentes à partir de ce qu'on appelle la spatialisation. L'artiste a étudie au début des années 1980, période à laquelle la pratique du
white cube comme espace entièrement dédié à l'art s'est affirmé. Dès le début de sa carrière, la question de la perception subjective du spectateur et le manque d'une continuité avec l'espace social et politique à l'extérieur du lieu d'exposition, ont été au centre de ses préoccupations. La spatialisation du travail a été une recherche constante en vue d'ouvrir dans les espaces concrètement occupés par les œuvres (presque toujours des lieux avec les caractéristiques héritées des années 1980, celui des Kunsthalle allemandes, mais aussi nos centres d'arts blancs aux cimaises mobiles) de fenêtres et des points de vue, souvent politiques et culturels, sur le monde environnant. L'organisation chronologique des expositions et des installations se propose de rendre intelligible la relation toujours changeante entre œuvre, regardeur et cet horizon nécessaire qui reste toujours à réinventer.
Dans cette juxtaposition d'étapes du parcours de l'artiste un certain nombre d'œuvres, montrées à diverses occasions, sont signalées comme des passages indispensables entre une exposition et la suivante. Elles apparaissent sous la catégorie « Œuvre ». Une partie de dessins sont montrés dans cette même catégorie.
Les textes critiques (dont certains inédits) et les entretiens avec l'artiste de différentes périodes qui accompagnent ce catalogue, ainsi qu'un apparat biblio-biographique,
portent une lumière particulière sur des moments décisifs de la production d'œuvres et des expositions.
L'essai introductif a été rédigé par
François Aubart lors de la préparation de l'exposition monographique de Rüdiger,
Chambre double, aux Tanneries – Centre d'art contemporain d'Amilly en 2021. Il met en lumière la manière dont Rüdiger a été influencé par la découverte – à Milan dans les années 1980 – de l'enseignement de Luciano Fabro et du travail spatial de
Lucio Fontana, ainsi que par son implication dans un collectif aux collaborations intenses, et analyse la manière dont ces attitudes ont infusé les multiples formes de son travail.
Bernhard Rüdiger est un artiste, théoricien, écrivain né à Rome en 1964. Il est diplômé de l'Accademia di Belle Arti de Milan. Il vit à Paris depuis 1994 et enseigne à l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Lyon.
À ses débuts en Italie, Bernhard Rüdiger travaille à La Casa degli artisti de Milan, fondée par Luciano Fabro, Jole de Sanna et Hidetoshi Nagasawa en 1978 et prend part à la définition d'un contexte
italien apparu dans la deuxième moitié des années 1980. Fort des collaborations avec des artistes tels que
Liliana Moro, Adriano Trovato ou Mario Airò, après s'être engagés dans la réalisation de projets expérimentaux collectifs, ils fondent avec d'autres la revue Tiracorrendo et la galerie d'artistes
Lo Spazio di Via Lazzaro Palazzi, un lieu actif de la scène milanaise de 1989 à 1993.
Son travail sur l'espace, le son, l'expérience physique et perceptive du corps se nourrit d'une réflexion théorique sur le réel de l'œuvre et de sa responsabilité historique. Il a été exposé dans plusieurs musées et lieux d'art internationaux (Biennale de Venise, PS1 à New-York, Triennale de Milan...).