La revue d'art et de recherche « rétro-prospective » s'intéresse dans ce septième numéro à l'un des porte-parole les plus sulfureux mais aussi les plus décisifs du XXe siècle : Pier Paolo Pasolini.
On a beaucoup écrit sur le mythe Pasolini, nourri notamment par sa mort tragique et mystérieuse. C'est au contraire un Pasolini vivant, journaliste singulier, écrivain visionnaire, cinéaste du « sous-prolétariat », homme de théâtre, intellectuel engagé, grande figure de la Rome de l'après-guerre, dont la revue Initiales dresse ici le portrait.
Triples initiales pour ce 7e numéro de la revue de l'École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon placée cette fois-ci sous l'ombre portée de Pier Paolo Pasolini. Et un programme en deux temps pour cette revue semestrielle « rétro‑prospective » qui entend à la fois dresser le portrait d'un des porte‑parole les plus sulfureux, mais aussi les plus décisifs, du XXe siècle, autant que de réexaminer, à l'aune du prisme contemporain, quelques-uns des grands chantiers ouverts par PPP.
On a beaucoup écrit sur le mythe Pasolini dont l'assassinat sauvage finit de parfaire le pourtour brûlant. C'est au contraire un Pasolini vivant, perméable aux aléas de son époque et à ses propres contradictions, que nous cherchons à convoquer dans ce numéro. Celui du journaliste singulier des Écrits corsaires dont son grand ami, le poète Alberto Moravia, dit qu'ils sont « un bon exemple de la manière dont un artiste qui fait passer le poétique avant l'intellectuel peut, par la voie indirecte de l'expérience existentielle, arriver aux mêmes résultats que la sociologie la plus moderne et la plus subtile ». Celui encore, visionnaire, de Pétrole, son dernier roman inachevé (si tant est que la forme roman convienne encore à pareil objet), celui éthéré des premiers films, Accatone et Mamma Roma, qui lèvent le voile sur la population sans voix du sous‑prolétariat romain.
Les formes hybrides et complexes, produites par PPP dans ses poésies, ses écrits et ses films, qui tous ensemble tissent un grand maillage inédit, seront également au cœur de ce numéro d'Initiales qui, comme les précédents, s'appuie sur différents régimes d'écriture : critique, historique, littéraire ou visuel.
Un point de vue singulier informera enfin ce numéro : celui de l'inactualité d'un Pasolini « enfant sans enfant », pour reprendre le titre d'un roman d'Enrique Vila-Matas. Entendu non pas dans le sens d'une œuvre « court‑circuitée » mais comme l'obligation de lire Pasolini dans le berceau de son époque, et d'admettre que les formes de cette expérience ne sont pas transposables en 2015. Reste néanmoins une certaine façon d'être aujourd'hui dépositaire de cette expérience – avec ce qu'elle induit de manière de voir, de penser et d'agir.
Deux fois par an, Initiales, revue produite et éditée par l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts (ENSBA) de Lyon, esquisse les contours d'une galerie de « portraits en creux » en s'organisant autour de « figures-source », existantes ou fictives. Des figures d'artistes, philosophes, écrivains, architectes ou cinéastes dont le dénominateur commun est qu'elles ont « fait école » dans leur discipline et au-delà, dans les champs qu'elles ont investis ou traversés. L'œuvre, la pensée mais plus encore les méthodes déployées, les pistes explorées (et parfois avortées) ou les réseaux créés par cette figure de référence servent de sous-texte ou de script à chacune des livraisons.
Réunissant, à partir d'une même figure, une série de contributions centrifuges, Initiales met ainsi en jeu un usage de la source et une expérience du temps qui ne sont ni ceux de l'historien ni ceux du scientifique, mais qui sont à l'œuvre dans le travail de l'art et qui sont au cœur de la réflexion menée depuis 2004 par le groupe de recherche ACTH (Art contemporain et temps de l'histoire) de l'ENSBA Lyon.
Revue de recherche et de création, Initiales fait le pari qu'une école d'art est aujourd'hui l'un des lieux les plus aptes à produire et organiser des formes et des pensées nouvelles, susceptibles de venir nourrir le débat et élargir le champ de l'art et de la pensée. A cet égard, c'est une revue d'école, mais dans l'exacte mesure où l'école est un lieu de passage, de rencontre et de collaboration avec de multiples acteurs qui lui sont aussi extérieurs. Initiales rejoue ainsi en son sein l'hospitalité essentielle et féconde des écoles d'art et s'adresse aussi bien au champ de l'art contemporain et de la création d'aujourd'hui qu'au monde de l'enseignement et de la recherche – et plus largement à toute personne curieuse des opérations à l'œuvre dans la création, la pensée et la culture.
Directeur de la publication et de la rédaction : Emmanuel Tibloux ; rédactrice en chef : Claire Moulène.
Pier Paolo Pasolini (1922-1975) est un écrivain, poète, journaliste, cinéasteitalien dont l'œuvre artistique et intellectuelle, éclectique et politiquement engagée, est aujourd'hui icônique.