Monographie de référence.
Situées en marge de la narration, les peintures de Farah Atassi mêlent motifs textiles et mosaïques bariolées, faisant autant référence au modernisme qu'aux arts populaires. Selon les mots de l'artiste, ce sont des « peintures figuratives qui représentent l'abstraction ».
Explicitant sa démarche avec trois essais inédits et un entretien, cette publication s'appuie sur les principales expositions de Farah Atassi entre 2015 et 2020 dans des institutions ou dans des galeries : au Consortium Museum, à la galerie Xippas, à la galerie François Ghebaly, à la galerie Almine Rech, et au musée des Beaux-Arts de Cambrai où l'occasion lui fut donnée de se confronter à des peintures de maîtres modernes et contemporains. Ces expositions sont présentées ici dans un ordre rétro-chronologique, comme une invitation à un bref voyage dans le temps.
« Les tableaux sont dans le prolongement direct de ce que j'expérimente depuis deux ans. Il s'agit d'explorer les sujets classiques de la peinture (des natures mortes, le nu féminin, le thème de la musique, l'atelier). Je commence toujours par définir un espace, construit avec un toit, une ligne d'horizon et une première marche qui installe un espace scénique – autant dire le lieu de la représentation. Ce sont des scènes de théâtre et des décors, sur et dans lesquels j'inscris ensuite les figures ou les compositions, qui se déploient le long d'une grille tracée par les lignes de fuite. Il s'agit ensuite de faire « rimer » les figures et le fond. […] Je cherche un niveau d'artificialité qui permette beaucoup de liberté. Je fais une peinture figurative avec un langage de peintre abstrait : la base de mon travail ce sont des formes géométriques. D'un point de vue strictement formel ; le Cubisme est une source revendiquée. Je ne suis évidemment pas la seule à avoir de l'admiration pour Picasso : ses modèles – femmes ou maitresses – étaient aussi traversés par le désir qu'il posait sur elles. Pour ma part, j'essaie de peindre ces modèles comme des objets, en évacuant la dimension libidinale. J'essaie de faire que ces figures soient incarnées, mais sans pathos. Pour autant c'est une matière qui vibre, assume ses repentirs, son empâtement parfois. C'est la matière picturale qui conduit l'émotion. »
Farah Atassi
Depuis sa sortie de l'école des Beaux-arts de Paris en 2006, Farah Atassi (née en 1981 à Bruxelles, vit et travaille à Paris) peint des intérieurs. Ses tableaux, tous de grand format (généralement 200 x 160 cm), sont issus d'un long travail de recherche et de documentation d'images triées, découpées, classées dans un répertoire qui rejoint celui des avant-gardes du 20e siècle, de l'objet à l'architecture, et celui d'une utopie communautaire déchue.
Partir d'une photographie pour arriver à une
peinture : Farah Atassi monte des images de provenance diverses. Traits au crayon et quadrillage au scotch lui permettent de construire le tableau. La peinture diluée qu'elle utilise est sujette à une évolution qui altère les couleurs : gris passés, marrons éteints, verts jaunis tendent, avec le traitement fragmenté et l'effacement des surfaces, vers un sentiment de ruine très contemporain, alors que les couleurs franches célèbrent la pureté moderniste.
Farah Atassi bouscule les cloisonnements historiques en considèrant de manière égale le modernisme et l'ornement dans ses tableaux. Ces positions artistiques et politiques détachent Farah Atassi du commun et portent son travail dans une lecture déjà reconnue par de nombreuses institutions (Mac/val, Centre Pompidou, Fnac, musée de Dole) et collections privées. Farah Atassi fut nominée pour le Prix Marcel Duchamp en 2011.