Maria Stavrinaki livre une réflexion ambitieuse sur
les usages de la notion de
préhistoire – sur les interprétations successives qu'en ont données non seulement les artistes, mais aussi les philosophes, les écrivains, les historiens, les historiens de l'art, les préhistoriens et les anthropologues, depuis son invention au XIXe siècle – à la fois dans l'écriture de l'histoire de la modernité et dans l'expérience moderne de la
temporalité : un retour à la fondation de l'histoire humaine pour aider à penser
notre condition présente.
La préhistoire est une invention du XIXe siècle. Durant ce siècle fameux pour ses hardiesses techniques et ses cadences accélérées, trois récits majeurs de la pensée occidentale s'engagent l'un après l'autre dans un passé jusqu'alors insoupçonné : l'âge de la Terre, l'âge de l'homme, l'âge de l'art.
Que serait une histoire de la modernité envisagée depuis ces trois inventions du temps long, consécutives et imbriquées ? Assurément une histoire bien plus complexe que cette quête arrogante du progrès dont nous payerions aujourd'hui le prix fort. La modernité s'est posée au-dessus d'un abîme qui a suscité la stupeur. Réinventant sans cesse la préhistoire, elle s'y invente constamment elle-même : elle projette son angoisse de la fin et son espoir de l'avenir dans les formes de cette origine introuvable.
Parce que la préhistoire a semé le trouble dans la classification des savoirs, ce livre traverse des formes et des discours multiples : œuvres d'artistes majeurs de la modernité (Cézanne, De Chirico, Matisse, Miró,
Picasso,
Smithson,
Dubuffet,
Oldenburg…), images scientifiques et caricatures, littérature, philosophie et sciences humaines.
Soixante ans après les premières explosions atomiques qui ont inauguré le terme de « posthistoire », notre rapport à la Terre et à la technique est à nouveau bouleversé. Penser la fondation de l'histoire humaine sur l'abîme du passé peut nous aider à penser notre condition moderne.
« Maria Stavrinaki livre quelque cinq cents pages où érudition, passion et finesse d'analyse se conjuguent pour montrer comment l'art pariétal a permis à la conscience moderne de considérer les hommes préhistoriques comme ses semblables (...). Le livre offre aux enjeux cruciaux du monde contemporain les éclairs de la Préhistoire en passant par la période moderne et nous fait parfois penser que la Préhistoire pourrait sauver le monde. »
Annabelle Gugnon,
Artpress
Maria Stavrinaki enseigne l'histoire de l'art contemporain à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Elle travaille sur les croisements entre l'art de la modernité, les sciences humaines et la pensée politique et s'intéresse tout particulièrement aux questions du
temps et de l'écriture de l'histoire. Elle a co-dirigé, avec Maddalena Carli, l'édition de
Artistes et partis – Esthétique et politique (1900-1945) (Les presses du réel) et co-organisé l'exposition « Préhistoire, une énigme moderne » (Centre Georges Pompidou, 2019).
Voir aussi
Artistes et partis – Esthétique et politique (1900-1945) (édité par Maria Stavrinaki et Maddalena Carli).