Entre 1954 et 1962, la guerre d'indépendance ou d'Algérie, selon que l'on se place du côté de la victoire ou de la défaite, marque durablement plusieurs générations d'artistes internationaux, tout en traversant et bousculant des questionnements esthétiques quant à la représentation de l'innommée. Cet ouvrage, qui récolte les traces de cette déchirure franco-algérienne au travers du prisme de l'art, révèle l'importance d'un sujet historique, ignoré par l'histoire de l'art, dont les répercussions sur la politique contemporaine de la France sont encore perceptibles. Terreau d'une génération d'artistes en devenir, qui confortera son engagement social et artistique dans les événements de Mai 68, mais aussi d'artistes de l'hybridité
postcoloniale, qui revendiquent une modernité non hiérarchisée et l'écriture d'une histoire du non-dit, la guerre d'Algérie revêt des enjeux fondamentaux dans la construction contemporaine de la scène artistique française et algérienne. Or, alors que la proscription historique d'une cinquantaine d'années est maintenant révolue, il semble que les conflits mémoriaux inhérents à cette défaite française continuent à entraver l'écriture et l'exposition sereines d'une séquence historique, qui apparaît pourtant matricielle dans la construction de la France contemporaine. Aussi, cette étude se propose de porter un regard critique sur la place des représentations de cette « non-histoire » dans les institutions muséales françaises et tente alors de mesurer l'impact d'une histoire encore non consensuelle dans la création artistique actuelle, aujourd'hui percutée par des enjeux de mémoire et politique, et qui de fait interroge la notion même d'identité(s) et d'« intégration ».
« Après une sorte de longue traversée du désert [...], la question de l'art et des artistes face à la guerre d'Algérie trouve avec l'ouvrage d'Émilie Goudal un éclairage majeur [...]. Cet ouvrage érudit mais sans aucune préciosité, que l'auteure prend soin en conclusion de donner comme une étape ouvrant la voie à d'autres recherches, devrait aussi inciter les institutions à patrimonialiser les œuvres qui peuvent contribuer à décoloniser le regard et à déconstruire les stéréotypes coloniaux. »
Anissa Bouayed,
Esprit
« Avec
L'art et la race d'Anne Lafont, c'est la deuxième fois cette année que la collection “Œuvres en sociétés” des Presses du Réel dévoile un angle mort de la recherche française en histoire de l'art. Étrangement,
Des damné(e)s de l'Histoire. Les arts visuels face à la guerre d'Algérie d'Émilie Goudal est la première étude à s'intéresser à cette mémoire du point de vue des arts plastiques, mettant en évidence un corpus d'œuvres jusque-là négligées, et à travers elles l'ombre posée sur les enjeux qu'elle soulèvent. »
Diane Turquety,
En attendant Nadeau
Historienne de l'art, Emilie Goudal est chercheure associée au Centre Norbert Elias (CNRS/EHESS) et membre du collectif Globalisation, Art et Prospective (GAP-INHA). Ses travaux s'intéressent aux interpénétrations entre art, socio-histoire, politique et enjeux de mémoire(s) depuis le contexte de la décolonisation. Boursière du Ministère des Affaires Étrangères et Européennes à l'Institut de Recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC) à Tunis pendant son doctorat, elle a été boursière postdoctorale au Centre allemand d'histoire de l'art de Paris et lauréate de la bourse Gerda Henkel Stiftung/LabexMed à Marseille.