Les œuvres sur papier de Pascal Pinaud laissent découvrir un lieu complexe d'élaboration au sein duquel s'éprouvent nombre de questions attachées à l'ensemble de sa production. Pourtant, si les travaux que l'artiste désigne du terme générique de dessins contribuent, à la manière de « tests » et de « prototypes », à la conception des grands formats, ils n'en définissent pas moins un corpus autonome, se donnant comme une œuvre dans l'œuvre, qui consiste en l'exploration
per se des possibilités que le travail révèle dans le cours de son effectuation. Depuis l'hiver 1989-1990, cinq cents dessins, environ, ont ainsi alimenté une bonne trentaine de séries. Fondée sur le développement de chantiers ouverts, conduits de front, une telle démarche allie l'esprit de suite à l'improvisation, en vertu d'un opportunisme franc et fécond.
Afin de cerner les règles d'autonomie, de lisibilité et de diversité auxquelles obéissent, chez lui, les procédures de production, Pascal Pinaud se réfère significativement à la notion d'acte. S'agissant des liens que sa pratique entretient avec le sensible pris dans sa quotidienneté, il évoque les vertus du principe de réalité. L'artiste apparaît en cela comme un réaliste empirique, travaillant « dans l'esprit de l'abstraction », pour citer une formule chère à son ami
Noël Dolla. Car, même si ses réalisations ne sont pas toujours ni tout à fait abstraites, les moyens qu'adopte Pinaud et les configurations qu'il élabore assument sans complexe l'héritage des abstractions historiques. La conception du dessin qui s'y fait jour n'indique en revanche aucun intérêt particulier pour les dons que l'on prête communément à ceux « qui savent dessiner », les voies de la référentialité procédant, chez l'artiste, d'un tout autre commerce avec le visible.
Pascal Pinaud (né en 1964, vit et travaille à Nice) est un des artistes les plus talentueux de cette génération qui, à partir des années 1990, a remis en question les principes de la
peinture pour mieux continuer à peindre. Issu de l'École d'art de la
Villa Arson (Nice), il participe à l'effervescence théorique et pratique qui génèrera parmi les meilleurs artistes du moment.
Très vite exposé, il pose les principes d'une œuvre qui l'amène à travailler à des séries différentes et à associer sa création à des gestes et des méthodes de production, empruntés à l'industrie, à l'artisanat ou à certaines situations de la vie quotidienne.
Il propose alors des peintures, des sculptures, des photographies, des installations où une histoire de nos capacités créatrices et transformatrices du réel se mixe avec l'histoire des arts. Il pose ainsi la question de leurs relations entre notre environnement physique et mental et le
design, l'
architecture, une certaine poésie de l'«
every day life », une « aventure ordinaire » qui est le bien de tous. Il analyse, il déroute, il nous conduit sur des terrains où les formes permettent d'expérimenter « mille vies ». Il évoque souvent le dialogue de son œuvre avec celles de Gérard Gasiorowski,
Bertrand Lavier,
John Armleder,
Noël Dolla ou encore avec certains peintres de l'abstraction américaine des années 1980 comme Philip Taaffe ou Jonathan Lasker. Il a exposé dans de nombreux musées ou centres d'art à travers le monde, depuis le
Mamco de Genève jusqu'au
Frac Bretagne. Ses œuvres sont présentes dans de grandes collections internationales publiques ou privées, celle du Musée Ludwig à Vienne comme celle du MNAM à Paris. À chaque étape de son œuvre, il choisit une position expérimentale qui met en jeu la vitalité de l'art, celle de la vue, des gestes créatifs au sein d'une société qu'il utilise comme une source permanente d'inspirations et d'inventions plastiques.
Voir aussi
Thomas Golsenne : Pascal Pinaud – Serial Painter ;
Eric de Chassey : Pascal Pinaud – Transpainting.