Cet ouvrage regroupe la presque totalité de la production poétique de Serge Pey liée au combat du MIR (Movimiento de Izquierda Revolucionaria), groupe révolutionnaire chilien qui prendra les armes contre le fascisme et pour lequel le poète s'est engagé.
Il nous aurait fallu des fusils à poème pour empêcher le massacre de la partie la plus consciente de la poésie de notre peuple. Les militaires et les bourreaux de tous les pouvoirs veulent extirper la poésie de nos consciences, c'est leur unique but. L'état confond la rime de nos vers avec ses publicités et ses slogans de propriétés sanglantes et avariées. Nous avons des fusils poétiques. Nous avons des grenades de vers que nous lançons comme des grammaires et des conjugaisons d'avenir.
C'est en poète que Serge Pey a été facteur du MIR (Mouvement de la gauche révolutionnaire) entre la France et le Chili. C'est en révolutionnaire du MIR (Mouvement indompté du rêve) qu'il nous délivre aujourd'hui cette somme de poèmes écrits à partir du 5 octobre 1974, date de l'assassinat de Miguel Enriquez (secrétaire général du MIR) par la DINA – la police politique de Pinochet.
Un artiste organise toujours l'envahissement de la marge et déborde le centre. Il fait venir les banlieues de l'écriture sur les places de la décision, nous dit Serge Pey, ailleurs…
Serge Pey est né le 6 juillet 1950, dans une famille ouvrière du quartier de la cité de l'Hers à Toulouse. Il est Maître de conférences à l'université de Toulouse-Le Mirail et dirige le séminaire de poétique d'action et l'atelier de poésie du CIAM. Enfant de l'immigration et de la guerre civile espagnole, son adolescence fut traversée par la lutte antifranquiste et les mouvements révolutionnaires qui secouèrent la planète. Militant contre la guerre du Vietnam, il participa aux événements de mai et juin 1968. Parallèlement à son engagement politique, il découvrit très tôt la poésie et les voix de fondation qui transformèrent sa vie. De Lorca à Whitman, de Machado à Rimbaud, de Villon à Baudelaire, de Yannis Rítsos à Elytis, d'
Alfred Jarry à
Tristan Tzara, des troubadours à
Antonin Artaud, des poésies chamaniques à celle des poésies visuelles et dadaïstes… Il commence alors la traversée d'une histoire de la poésie contre la dominance française des écritures de son époque. C'est au début des années soixante-dix que Serge Pey inaugure son travail de poésie d'action et expérimente, dans toutes ses formes, l'espace oral de la poésie. En 1975 il fonde ÉMEUTE puis en 1981 les éditions TRIBU. Serge Pey est présenté comme un des représentants les plus déterminants de la
performance et de la
poésie d'action contemporaine. Le travail de Serge Pey dans la poésie contemporaine se définit comme une articulation entre écriture et oralité. Se déclarant lui-même comme un héritier des poésie du monde, il ouvre des passages dans les poésies traditionnelles des peuples sans écriture, la poésie médiévale, les pulsions du zaoum et celles de la poésie sonore. À la suite de Jerome Rothemberg on a pu attribuer une partie de son travail à l'espace de l'ethnopoésie. La façon de médiatiser son poème ou de l'illustrer oralement passe par une rythmique faisant appel à toutes les ressources du corps : battement de pieds, percussions avec ses mains, voix de ventre et de gorge. Il déclare lui-même vouloir « champter » son poème. Dans sa diction vertigineuse proche de l'hallucination, le rythme restitue la colonne vertébrale de son texte. Serge Pey reste le musicien ou le batteur inégalé de son poème. Ses récitals avec le poète
beat Allen Ginsberg illustrent la force de son engagement de diseur.