La
guerre mise à nue par ceux qui la font : un récit composé de témoignages de militaires, pour la plupart revenus d'Irak, trouvés sur divers sites internet – chaînes d'information américaines, sites sur la guerre, vidéos amateur filmées au portable et diffusées sur Youtube…
À travers ces témoignages nous sont racontés, dans une écriture dépouillée, le quotidien des militaires, leur rapport avec la population civile, les affrontements, les camps d'enfermement avec leur politique d'humiliation et de torture… Parfois, tel ancien militaire tente, malhabilement, d'analyser le processus qui a pu faire de lui cette machine à tuer. Ces paroles, retranscrites le plus fidèlement possible, qui ne sont affublées d'aucun affect, d'aucun commentaire, proférées par des individus que rien ne prédestinait, à priori, à devenir les acteurs d'une telle barbarie, forment peut-être le plus dur réquisitoire contre cette guerre d'occupation orchestrée par « la première puissance du monde ». Army, qui échappe aux formalismes poétiques pour se rapprocher davantage du récit, par sa rigueur « objectiviste », est une œuvre satellite dont la force politique répond radicalement à l'urgence de l'actualité.
Jean-Michel Espitallier (né en 1957, vit et travaille à Paris) est un des
poètes contemporains qui a le plus modifié l'image attendue de la poésie. Il est représentatif d'une génération qui, proche en cela de l'art contemporain, opte pour des pratiques poétiques variées, construites, accumulatives et, souvent, drôles. Poète inclassable, il joue sur plusieurs claviers et selon des modes opératoires constamment renouvelés. Listes, détournements, boucles rythmiques, proses désaxées, faux théorèmes, propositions logico-absurdes, sophismes tordent le cou à la notion si galvaudée de poésie, en inventant des formes neuves pour continuer de faire jouer tout le bizarre de la langue et d'en éprouver les limites. Il a été cofondateur et codirecteur de la revue
Java, de 1989 à 2006.