Monographie tirée d'une conférence donnée en 2009 à l'Académie royale des beaux-arts de Bruxelles. ORLAN pose un regard rétrospectif sur son œuvre et développe certaines réflexions au cœur de sa pratique artistique comme l'hybridation et les représentaitons du corps de la femme.
Le travail qu'ORLAN déploie depuis de nombreuses années, avec une cohérence et une rigueur exemplaires est une source d'inspiration et de réflexions pour ses contemporains. Ceci d'autant plus que personne mieux qu'elle commente et met en critique l'histoire qui sous-tend son travail. Cet écho manifeste aussi une admiration et une fascination. Ce qui fait qu'ORLAN est une star vient des questions qu'elle se pose et qui rencontrent nos obsessions : elle est un livre ouvert séparant ce qui est crucial de ce qui ne l'est pas, le corps d'une femme en est le centre. Ses hybridations de soi, sa mue, son manteau d'Arlequin donnent à penser ce que sont pour elle comme pour nous, des marqueurs de notre temps: la place de l'anthropologie dans son œuvre témoigne d'un de ces marqueurs.
La violence a repris. Les trente dernières années n'ont été qu'une trêve pour le corps des femmes et la représentation de cette violence reste aussi imperceptible dans les religions contemporaines que dans l'histoire de l'art chrétien. Certaines femmes en redemandent (du voile, encore du voile), certaines rêvent de devenir des criminels ou des terroristes au regard des sévices commis à leur endroit : le viol et l'excision. Une seule, Orlan loin de tout masochisme et de toute victimisation conçoit et réalise l'Art Charnel qui s'oppose à la délectation de la vision du corps des femmes martyrisé dans bien des pièces du Body Art.
ORLAN (née en 1947, vit et travaille entre Paris, Los Angeles et New York), avec ses œuvres engagées et politiques, interroge sur le statut de la femme dans la société contemporaine. Elle n'est pas assujettie à un matériau, à une technologie ou à une pratique artistique. Elle utilise la sculpture, la photographie, la performance, la vidéo, la 3D, les jeux vidéo, la réalité augmentée, l'intelligence artificielle et la robotique (elle a créé un robot à son image qui parle avec sa voix) ainsi que les techniques scientifiques et médicales comme la chirurgie et les biotechnologies, pour interroger les phénomènes de société de notre époque.
Parmi ses œuvres majeures, on compte sa performance
Le Baiser de l'artiste, qu'elle présente à la FIAC en 1977 et qui provoque un véritable scandale, ou encore
L'Origine de la guerre en 1989, reprenant
L'Origine du monde de
Gustave Courbet. Dans les années 1990, elle démarre une série d'opérations chirurgicales / performances qu'elle met en scène. À partir de 1998, elle crée les premières
Self-Hybridations, utilisant les technologies numériques pour mixer son portrait avec celui de Précolombiennes, d'Amérindiennes, d'Africaines, ou encore des masques de l'Opéra de Pékin et des
Self-Hybridations sur commande telle que celle d'Agatha Ruiz de la Prada.
ORLAN expose régulièrement ses œuvres, tant aux États-Unis – MOCA et LACMA à Los Angeles, PS1 à New York – qu'en France – Centre Pompidou,
Palais de Tokyo, Centre national de la photographie – ou encore en Espagne, au Japon, en Italie. Plusieurs rétrospectives lui ont été consacrées : au Frac des Pays de la Loire et au Centre de la photographie à Salamanque (Espagne) en 2002, au CCC à Tours et au Centre national de la photographie à Paris en 2004. À l'occasion de son soixantième anniversaire en mai 2007, le Musée d'Art moderne de Saint-Etienne lui a consacré une importante rétrospective.