Extension éditoriale du projet vidéo éponyme de Basim Magdy, un récit onirique en immersion dans l'océan (dans le cadre du programme « Satellite » organisé par le Jeu de Paume et le CAPC).
Le film No Shooting Stars [Il n'y aura pas d'étoiles filantes] de Basim Magdy est construit autour du récit personnel d'un habitant non identifié de l'espace océanique – territoire endormi aux marges de notre conscience et oublié des livres d'histoire. Des images, que l'on croirait tirées d'un rêve, vont à la dérive, entrent en dissonance avec un récit dont il n'existe ni début ni fin. Le film se déploie comme un poème sensible aux secrets de l'océan, mais qui garde le secret sur l'identité de cet habitant des profondeurs, préférant sinuer dans les méandres de l'imagination. L'image du narrateur s'évanouit à peine a-t-elle pris forme, en adéquation avec la mobilité et l'instabilité de l'univers aquatique.
Jusqu'ici, la plupart des films de Basim Magdy étaient des réflexions pleines d'humour et de scepticisme sur les utopies existantes et nos espoirs de contre-utopies. No Shooting Stars, à l'inverse, concerne la capacité à s'étonner de l'inconnu. Se plaçant dans une perspective d'humilité respectueuse, Madgy prend acte de notre méconnaissance du grand large, de notre incapacité à appréhender cet espace doté de sa propre logique, d'un système de savoir si différent de celui qui nous est familier. Ainsi, abandonnant l'idée de capter l'essence de l'espace aquatique, le film devient une méditation sur ce que l'océan laisse entrevoir de son mystère.
Le présent livre déroule les réflexions qui entourent cette œuvre à travers un entretien de l'artiste avec Heidi Ballet. En écho au projet de Basim Magdy, le texte de Kate Sutton nous conte les mystères de l'eau et de l'atoll de Palmyra, situé dans l'océan Pacifique.
Publié à l'occasion de l'exposition éponyme au Jeu de Paume, Paris, du 18 octobre 2016 au 15 janvier 2017, et au CAPC musée d'art contemporain de Bordeaux du 17 novembre 2016 au 29 janvier 2017.
Initiée en 2007, la programmation Satellite du Jeu de Paume est dédiée à la création contemporaine. Depuis 2015, le Jeu de Paume et le CAPC musée d'art contemporain de Bordeaux organisent conjointement ce programme d'expositions, assuré dès sa création par des commissaires d'envergure internationale (Fabienne Fulchéri, María Inés Rodríguez, Elena Filipovic,
Raimundas Malašauskas, Filipa Oliveira,
Mathieu Copeland, Nataša Petrešin-Bachelez et Erin Gleeson).
Intitulé « Notre océan, votre horizon », la neuvième édition confiée à Heidi Ballet se propose d'explorer la notion d'identité océanique – un sentiment d'appartenance façonné par une vision du monde tournée vers l'extérieur et axée sur les horizons et au-delà –, en comparaison d'une identité terrestre fondée sur la délimitation d'espaces finis. En réponse à cette proposition,
Edgardo Aragón opte pour la cartographie critique,
Guan Xiao se penche sur la transformation et le voyage,
Patrick Bernier & Olive Martin s'intéressent aux conséquences des traversées maritimes dans l'histoire et Basim Magdy évoque des histoires secrètes de la mer.
Chaque exposition est accompagnée d'une publication imaginée comme une « carte blanche » aux artistes. Conçue dans un dialogue étroit avec un studio graphique renouvelé à l'occasion de chaque édition, cette série d'ouvrages s'offre comme un espace de création autonome au sein de la programmation Satellite.
Oscillant entre un monde imaginaire et le monde tel que nous le connaissons, les œuvres de Basim Magdy (né en 1977 à Assiout, Egypte, vit et travaille à Bâle et au Caire) se déploient dans un environnement dépourvu d'indications spatiales et temporelles. Elles n'en possèdent pas moins une temporalité précise, celle de l'instant qui précède immédiatement la révélation que notre vision idéalisée du futur tourne court. Ce sentiment est présent, par exemple, dans le film intitulé The Dent (2004), où est décrite l'effervescence qui s'empare d'un petit village aspirant à organiser les Jeux olympiques. Lorsque, malgré tous les efforts et sacrifices des habitants, l'échec semble inévitable, ceux-ci recourent à l'hypnose pour immobiliser un cirque. Dans un autre film, intitulé The Everyday Ritual of Solitude Hatching Monkeys (2014), un homme compose un numéro de téléphone au hasard et raconte comment il s'est retrouvé dans la plus complète solitude après que toute sa communauté, partie à la plage, n'en fut jamais revenue. Surréelles, ces compositions visuelles qui captent l'espace où s'engouffrent désirs vains et désillusions traduisent avec humour le scepticisme dont Magdy fait preuve à l'égard des formes de l'utopie, méditant sur la confiance avec laquelle nous préemptons un état futur de progrès. Comme il l'explique lui-même : « Je suis fasciné par la façon dont nous nous leurrons constamment en envisageant un avenir totalement coupé du présent comme du passé. L'avenir qui nous fut promis au début du XXe siècle n'est jamais advenu, parce qu'il n'était pas ancré dans les réalités des années 1960. »