Le 8e numéro de la revue d'art et de recherche « rétro-prospective » décline les initiales de Nathalie du Pasquier, membre fondatrice de l'iconoclaste groupe Memphis, ayant travaillé comme designer jusqu'en 1986, réalisant de nombreuses « surfaces décorées » (textiles, tapis, objets en plastique stratifié, mobilier divers), se consacrant depuis lors presque exclusivement à la peinture, et dont l'œuvre a été « redécouverte », notamment dans le champ de la mode, depuis les années 2000.
Deux fois par an, Initiales, revue produite et éditée par l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts (ENSBA) de Lyon, esquisse les contours d'une galerie de « portraits en creux » en s'organisant autour de « figures-source », existantes ou fictives. Des figures d'artistes, philosophes, écrivains, architectes ou cinéastes dont le dénominateur commun est qu'elles ont « fait école » dans leur discipline et au-delà, dans les champs qu'elles ont investis ou traversés. L'œuvre, la pensée mais plus encore les méthodes déployées, les pistes explorées (et parfois avortées) ou les réseaux créés par cette figure de référence servent de sous-texte ou de script à chacune des livraisons.
Réunissant, à partir d'une même figure, une série de contributions centrifuges, Initiales met ainsi en jeu un usage de la source et une expérience du temps qui ne sont ni ceux de l'historien ni ceux du scientifique, mais qui sont à l'œuvre dans le travail de l'art et qui sont au cœur de la réflexion menée depuis 2004 par le groupe de recherche ACTH (Art contemporain et temps de l'histoire) de l'ENSBA Lyon.
Revue de recherche et de création, Initiales fait le pari qu'une école d'art est aujourd'hui l'un des lieux les plus aptes à produire et organiser des formes et des pensées nouvelles, susceptibles de venir nourrir le débat et élargir le champ de l'art et de la pensée. A cet égard, c'est une revue d'école, mais dans l'exacte mesure où l'école est un lieu de passage, de rencontre et de collaboration avec de multiples acteurs qui lui sont aussi extérieurs. Initiales rejoue ainsi en son sein l'hospitalité essentielle et féconde des écoles d'art et s'adresse aussi bien au champ de l'art contemporain et de la création d'aujourd'hui qu'au monde de l'enseignement et de la recherche – et plus largement à toute personne curieuse des opérations à l'œuvre dans la création, la pensée et la culture.
Directeur de la publication et de la rédaction : Emmanuel Tibloux ; rédactrice en chef : Claire Moulène.
Designer, sculptrice et peintre, Nathalie du Pasquier (née à Bordeaux en 1957) fut l'une des femmes du groupe Memphis qui, au début des années 1980, su faire bouger, autour d'Ettore Sottsass, les lignes du bon goût et les frontières de la société de consommation. Installée depuis à Milan depuis 1979, Nathalie du Pasquier a par la suite repris une intense pratique d'atelier et entretenu des rapports de bon voisinage avec ces objets du quotidien qui ont fait sa fortune pendant l'ère Memphis, et bien après, dans ses toiles aux compositions minimales ou ses modules géométriques. Cette capacité à circuler entre les formes et les pratiques, jusqu'à la « redécouverte » récente de son travail dans le champ de la mode qui a fait appel à ses services au milieu des années 2000 pour redessiner des motifs post-Memphis, est sans doute ce qui caractérise le mieux cette artiste atypique née en 1957. Et explique sans doute pourquoi son travail, jusqu'à récemment encore, semblait voué à une certaine marginalité.