Si le cinéma s'est affirmé comme technique et comme référence pendant
plusieurs décennies, il n'est plus un art aujourd'hui qui ne peut
s'intéresser qu'à sa seule histoire. Il est une fenêtre parmi d'autres sur
l'écran de l'ordinateur. Son exposition de plus en plus fréquente hors
de la salle de projection déplace le lieu de sa propre définition. Quelle
est la nature de cette transformation ? Sommes-nous à jamais sortis du
cinéma ?
Rarement pensé dans son actualité, mais dans sa puissance, le cinéma
n'est pas un art. Il le sera, dit-on, s'il sait contourner les obstacles du
récit, du théâtre, du parlant, du commerce, de la couleur, de la télévision,
du numérique. Promesse jamais tenue, toujours reconduite, qui
engage une temporalité de nature prophétique. La question de la
relation du cinéma aux arts doit être pensée sous le biais de ce lien
temporel paradoxal qui se conjugue au futur antérieur.
Sortir du cinéma explore les relations de l'art et du cinéma en étudiant
ce qui n'a pas eu lieu, ce qui aurait pu avoir lieu, ce qui est resté sans
suite, ce qui a été oublié, ce qui est devenu une pure virtualité. À la
manière d'une contre-histoire, à rebours, ce livre privilégie les figures
oubliées, les impasses, les seuils, les trous noirs, les fantômes, les
rencontres sans suite, les anachronismes.
Qu'en est-il du film de
Hans Richter et Georges Méliès consacré au
baron de Münchhausen ?
Jean Epstein a-t-il lu Maya Deren ? Quand le
cinéma est-il entré au musée pour la première fois ?
Godard est-il
surréaliste ? Joseph Cornell est-il un commissaire d'exposition ?
Fluxus se
présente-t-il comme une suite critique des films de Laurel et Hardy ?
Orson Welles et Nicholas Ray sont-ils des artistes contemporains ?
Le cinéma d'exposition est-il une anagramme au futur antérieur du
cinéma ?
Cette enquête, au sens borgésien du terme, sur les relations virtuelles
entre l'art et le cinéma, suppose un mode d'exposition dramatique
qui ménage des tableaux et des scènes, qui fasse usage des figures
de la rhétorique et de la prosopopée. Car il s'agit ici d'une métahistoire
du film pour laquelle « donner une description précise de ce qui ne
s'est jamais passé » s'annonce, selon Oscar Wilde, comme la tâche
primordiale de l'historien.